LE MONDE | 09.07.08 | 12h13 • Mis à jour le 09.07.08 | 17h58

AP/Koichi Kamoshida
De gauche à droite: Gordon Brown, le premier ministre anglais, Nicolas Sarkozy, le président français, George W. Bush, le président des Etats-Unis, Dmitry Medvedev, le président russe et la chancelière allemande Angela Merkel au sommet du G8 à Toyako le mercredi 9 juillet.
Le G8 de Toyako, dans le nord du Japon, a abouti, mardi 8 juillet, à une déclaration quelque peu alambiquée sur le climat, en forme de message adressé aux pays émergents. Et premièrement à la Chine qui est devenue en 2008 le premier pollueur mondial. Mais ce message semble s'être heurté à une fin de non-recevoir, du moins à de fortes réticences, de la part des récipiendaires.
Inquiets de l'impact que des décisions contraignantes sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre pourraient avoir sur leur croissance, les pays émergents ont en effet refusé de souscrire aux objectifs chiffrés fixés par le G8 pour lutter contre le réchauffement climatique.
Le texte adopté, mardi, par les huit pays parmi les plus industrialisés stipule qu'ils vont "chercher à partager avec toutes les parties à la Convention de l'ONU sur les changements climatiques (CCNUCC) un objectif de réduction d'au moins 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici à 2050". "Ce défi mondial peut seulement être relevé par une réponse mondiale, en particulier par des contributions venant de toutes les principales économies", précise le texte. Il indique qu'il revient aux économies développées de jouer un "rôle moteur" dans la lutte contre le réchauffement de la planète.
La déclaration du G8 a été saluée par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Nicolas Sarkozy, comme une avancée par rapport aux conclusions du G8 de Heiligendamm en 2007. Les pays industrialisés s'y engageaient à "considérer sérieusement" une réduction d'au moins 50% des émissions d'ici à 2050.
Mais les ONG et des écologistes ont critiqué les manquements du texte de Toyako, qui seraient de trois ordres. D'abord, la déclaration ne fait pas mention d'un objectif intermédiaire à atteindre – par exemple en 2020. Elle fixe un horizon lointain, donc moins contraignant et ne précise pas non plus l'année de référence pour calculer la réduction de 50% des émissions polluantes. Les Européens retiennent l'année 1990. Mais ce repère est contesté aussi bien par le Japon que par le Canada et les Etats-Unis. Surtout, les engagements chiffrés du texte paraissent conditionnés à un accord des grands pays émergents, Chine et Inde en tête, ce qu'elles ne semblent pas disposées à concéder pour l'instant.
Les pays émergents réunis au sein du G5 (Chine, Inde, Afrique du Sud, Brésil, Mexique) ont en effet dénoncé, dès mardi, le texte du G8, le décrivant comme insuffisant. Selon eux, l'état de la planète est d'abord le fait des vieux pays industrialisés, il leur revient donc d'endosser des contraintes plus fortes.
"Il est essentiel que les pays développés montrent la voie et réduisent en 2020 leurs émissions de gaz à effet de serre (…) d'au moins 25 à 40% par rapport à leur niveau de 1990 et en 2050 de 80 à 95%", ont dit les pays émergents dans un communiqué commun. " Nous sommes déterminés à conduire des actions nationales appropriées d'atténuation [des émissions] et d'adaptation, conformes au développement durable", poursuit ce texte.
On soulignait de source officielle française que la déclaration du G8 signifiait que les Etats-Unis, cahin-caha, s'acheminaient vers davantage d'engagements sur le climat. Il y a quelques années, l'administration Bush niait encore l'existence d'un problème de réchauffement climatique à traiter par un effort multilatéral. On reconnaissait néanmoins, de même source, que les Etats-Unis conditionnaient leur engagement sur un objectif chiffré de réduction d'émissions à l'implication chinoise et indienne dans le processus.
C'est justement pour essayer d'entraîner les pays émergents dans son sillage que le G8 a innové en se réunissant, mercredi matin, avec des chefs d'Etat et de gouvernement du groupe des "Major Economies Meeting" (MEM), une structure lancée en septembre 2007 à l'initiative des Etats-Unis et qui, selon des sources européennes, est destinée à quelque peu court-circuiter le processus de l'ONU sur le climat. Le MEM réunit seize pays (ceux du G8 et du G5, plus l'Indonésie, l'Australie et la Corée du Sud), totalisant 80% des émissions polluantes mondiales.
Après deux heures de réunion mercredi, les seize pays ont dégagé leur plus petit dénominateur commun en exprimant leur "vision partagée" pour des actions concertées en faveur "de réductions à long terme des émissions" de gaz à effet de serre. Mais sans préciser le calendrier ni inclure des objectifs chiffrés.
Lors de la réunion du MEM, le président chinois Hu Jintao a demandé aux pays développés de faciliter la fourniture de technologies "propres" permettant de limiter la pollution, ce qui constitue l'objectif d'un nouveau fonds international soutenu par le G8, et auquel contribue la Banque mondiale. La veille, le G8 avait aussi exprimé un certain soutien au développement du nucléaire civil, comme moyen possible pour remédier aux problèmes de l'atmosphère.
Natalie Nougayrède, envoyée spéciale à Toyako (Japon)