2008年3月19日水曜日

Les appels au boycott politique des JO de Pékin se font plus pressants

Les appels au boycott politique des JO de Pékin se font plus pressants
LEMONDE.FR | 18.03.08 | 13h05 • Mis à jour le 18.03.08 | 13h50

Le milieu sportif refuse que "les athlètes soient punis"


Le secrétaire d'Etat aux sports, Bernard Laporte, répond aux questions des journalistes le 17 mars 2008.
AFP/DENIS CHARLET



Jacques Rogge est très clair. Le Comité international olympique (CIO) n'est pas une organisation militante et ne doit donc pas envisager une action politique qui pourrait pénaliser les athlètes. Sa position est partagée par l'ensemble des comités, à l'instar du Comité olympique européen, dont le président, Patrick Hickey, a estimé que "les boycotts n'ont jamais marché" et que "les seules personnes qui sont punies par les boycotts sont les athlètes".

Le commissaire européen aux sports, Jan Figel, a indiqué qu'à l'issue d'une réunion des ministres des sports des Vingt-Sept, "personne autour de la table n'a soutenu l'idée que le boycott était la bonne réponse". Plus direct, le secrétaire d'Etat français, Bernard Laporte, a jugé que "boycotter ne sert à rien". "Si demain, on me dit que ne pas faire les Jeux olympiques, cela va ouvrir la Chine, redonner les droits humains, régler tous les problèmes, c'est de l'utopie, du rêve", a-t-il poursuivi, rappelant que "les Jeux de Moscou ont été boycottés, cela n'a pas fait tomber le mur de Berlin". M. Laporte a par ailleurs annoncé qu'il était "hors de question" que les athlètes français portent "des signes symboliques" pendant le défilé d'ouverture.

Le souvenir du boycott des JO de Moscou en 1980 est également mis en avant comme exemple de l'inutilité d'une telle démarche. Plusieurs athlètes ayant refusé de participer au JO à l'époque ont déclaré publiquement que leur acte n'avait servi à rien. "Je suis une victime du boycott olympique de 1980", a ainsi révélé Ulrike Nasse-Meyfarth, double championne olympique allemande de saut en hauteur, qui avait fait l'impasse avec la RFA après l'invasion soviétique de l'Afghanistan. "A l'époque, on a vu déjà que cela ne servait à rien."

Signe de sa confiance, le CIO a même réaffirmé qu'il souhaitait toujours que la flamme olympique passe au Tibet, comme prévu, au mois de juin.

 

Les appels au boycott politique des JO de Pékin se font plus pressants

Les appels au boycott politique des JO de Pékin se font plus pressants
LEMONDE.FR | 18.03.08 | 13h05 • Mis à jour le 18.03.08 | 13h50

"Absolument aucun appel au boycottage" des dirigeants, selon le CIO

Jacques Rogge, président du Comité international olympique, le 31 mars 2005.
AFP/TORSTEN BLACKWOOD


A cinq mois du début de la compétition, aucun dirigeant international n'a ouvertement appelé à ce boycottage, s'est félicité le président du Comité international olympique, Jacques Rogge, organisateur de la compétition. "Il n'y a eu absolument aucun appel au boycottage, de la part des gouvernements non plus, et nous avons été très touchés par la position de l'Union européenne et des gouvernements des grandes puissances qui disent unanimement que le boycottage n'est pas une solution", a-t-il confié à Reuters.

La commissaire aux relations extérieures européenne, Benita Ferrero-Waldner, a indiqué, que ce "ne serait pas une manière appropriée de répondre au problème du respect des droits de l'homme". A l'instar de ses partenaires européens, la France a effectivement rejeté cette éventualité. "Cela peut permettre de se donner bonne conscience mais à partir du moment où la communauté internationale a accordé à la Chine l'organisation des Jeux olympiques, autant aller jusqu'au bout", s'est justifiée la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, Rama Yade, sur Europe 1. "Un boycott ne permettra pas de régler le problème du Tibet ni la question des droits de l'homme en Chine", a-t-elle en outre estimé.

"Pour les droits de l'homme, pour les gens au Tibet ou pour les Tibétains des autres provinces chinoises, un boycottage ne changerait absolument rien à leur situation", a assuré pour sa part Thomas Steg, porte-parole de la chancelière allemande, Angela Merkel. Les gouvernements japonais et australien ont également écarté définitivement cette possibilité.

 

Les appels au boycott politique des JO de Pékin se font plus pressants

Les appels au boycott politique des JO de Pékin se font plus pressants
LEMONDE.FR avec AFP | 18.03.08 | 13h05 • Mis à jour le 18.03.08 | 13h50

Les ONG demandent aux politiques de "boycotter la cérémonie d'ouverture"

Le secrétaire générale de Reporters sans frontières, Robert Ménard, mardi 18 mars, à Paris.
AFP/BERTRAND GUAY


Rares sont les responsables politiques ou sportifs qui ont évoqué publiquement la possibilité de boycotter les Jeux olympiques de Pékin depuis les manifestations qui ont dégénéré en violence au Tibet. Les appels à ne pas participer au rassemblement sportif ont le plus souvent émané d'associations de droits humains et de soutien au Tibet, et datent d'avant le début des incidents. Mais depuis le commencement de la crise, la participation sportive et la présence politique aux JO comme moyen de pression sur le régime communiste sont devenues un sujet que les responsables mondiaux se doivent de commenter.

Reporters sans frontières, qui rappelle avoir été opposé "dès le début à l'attribution des JO à Pékin", demande un boycott politique plutôt que sportif, estimant qu'un boycott total "n'est plus à l'ordre du jour" car il est impossible de demander "à quatre mois des JO aux sportifs de ne pas aller à Pékin". En revanche, son président, Robert Ménard, estime que "Nicolas Sarkozy, comme tous les chefs d'Etat et de gouvernement", doit "boycotter la cérémonie d'ouverture" pour envoyer un signal fort.
Human Rights Watch a adopté la même position. L'organisation écarte tout boycott sportif et demande au gouvernements "d'exiger une amélioration [des autorités chinoises] avant de s'engager à venir aux Jeux". "Ils ne doivent pas par leur présence cautionner la répression chinoise", a maintenu son chef, Kenneth Roth.

En France, quelques responsables politiques, comme Jack Lang et le secrétaire général du PS, François Hollande, ont pris le contrepied du gouvernement en déclarant qu'il ne fallait pas écarter cette éventualité de ne pas participer aux Jeux. Des intellectuels comme Bernard-Henri Lévy ont également défendu le recours au boycottage. Le sénateur Robert Badinter a, lui, imaginé que les athlètes arborent des badges de soutien au Tibet, estimant que "cela aurait un impact considérable".
Seul haut responsable européen à avoir évoqué clairement l'hypothèse d'une non-présence aux JO, le président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering, a affirmé que Bruxelles "ne [pouvait] pas accepter ce qui se passe au Tibet. Les Chinois doivent comprendre cela". "Nous devons adresser un signal à Pékin (...), il faut continuer à envisager toutes les options."

A l'étranger, outre l'acteur Richard Gere, défenseur de longue date des droits des Tibétains, une des rares voix discordantes vient de Ma Yong-Jeou, le favori à l'élection présidentielle à Taïwan. Il a laissé entendre que s'il était élu, il pourrait appeler au boycottage. "Si les autorités chinoises poursuivent leur répression contre les Tibétains et si la situation se dégrade, et si je suis élu au poste de président, je n'écarte pas la possibilité de ne pas envoyer d'athlètes aux Jeux olympiques", a-t-il déclaré. Et dans le monde sportif, unanimement opposé à une telle idée, seul le Comité olympique suisse a élevé le ton. "Nous ne pouvons pas nous contenter d'observer et de ne rien dire", a-t-il fait savoir.

Même au sein des Tibétains, la question du boycott fait débat. Le dalaï-lama a publiquement appelé à participer au JO, alors que certains responsables de communautés tibétaines exilées proposent de les organiser dans un autre pays. "Le mieux serait que les Jeux soient transférés dans un pays où les droits humains sont respectés", a ainsi estimé Lhanzom Everding, président de l'association des Tibétains exilés en Allemagne.
 
 

2008年3月18日火曜日

La Chine bloque YouTube dans le volet électronique de sa "guerre populaire" au Tibet

La Chine bloque YouTube dans le volet électronique de sa "guerre populaire" au Tibet
LEMONDE.FR | 17.03.08 | 15h54 • Mis à jour le 17.03.08 | 18h16



DR
Capture d'écran sur le site YouTube d'une vidéo montrant les troubles à Lhassa, capitale du Tibet, prise lundi 17 mars.


La Chine a beau être le pays comptant le plus grand nombre d'internautes – plus de 220 millions –, les autorités maintiennent un contrôle strict sur l'accès au Réseau. Une nouvelle preuve de ce quadrillage numérique a pu être constatée lors des manifestations réprimées au Tibet depuis le 14 mars. Sur le portail YouTube, des dizaines de vidéos montrant des affrontements, parfois très sanglants, à Lhassa, ont été retirées ou bloquées deux jours plus tard. Les internautes situés en Chine qui tentent d'accéder à ce portail sont accueillis par de simples pages blanches. D'autres importants portails vidéo locaux, comme 56.com, youku.com ou tudou.com, ne gardent plus trace des scènes qui se sont déroulées au Tibet.

Le gouvernement chinois, qui oblige les sites hébergés sur son territoire à surveiller leur contenu et a déjà bloqué par le passé l'accès aux sources diffusant des informations considérées comme délicates, n'a pas officiellement réagi. Si Pékin sait amoindrir la portée du Web, il sait également le laisser évoluer quand cela l'arrange. Au début des affrontements au Tibet, des messages d'internautes chinois, condamnant "les séparatistes" tibétains, se sont multipliés, notamment sur le principal portail chinois, Sina.com. Certains commentaires, rapportés par l'AFP, donnent une idée de l'ambiance sur la Toile chinoise : "Il n'y a qu'un seul mot pour ces séparatistes qui veulent nous empêcher de couler des jours heureux : tuer !", écrit un internaute chinois. "Qu'on tue les séparatistes !", lance un autre. Le blog Tenement Palm propose également des traductions en anglais de certains messages chinois glanés au gré de ses conversations sur Internet."NOUS COMPTONS SUR LES TOURISTES"

Seuls les médias officiels sont actuellement habilités à informer le public chinois sur la situation à Lhassa. Les télévisions ont diffusé au cours de ces deux derniers jours des images de manifestants tibétains attaquant des boutiques tenues par des Chinois et brûlant des voitures de police. Aucune image ne témoigne d'une quelconque présence policière, pourtant déployée en force. Sur le site de l'agence officielle de presse Chine nouvelle, Xinhua.net, les articles sur la situation au Tibet évoquent tour à tour "un complot fomenté par des séparatistes" et la réouverture des écoles à Lhassa.

Un dernier bilan officiel chinois datant de lundi fait état de "treize morts brûlés ou poignardés à Lhassa", ce qui viendrait appuyer les affirmations des autorités chinoises, qui assurent ne pas avoir fait usage d'armes à feu alors que de nombreux témoignages recueillis sur place l'évoquent. Le gouvernement tibétain en exil estime qu'au moins quatre-vingts personnes sont mortes.

LES JOURNALISTES ÉTRANGERS EMPÊCHÉS

Interrogé par la chaîne qatarie Al-Jazira, Ying Chan, directeur du département de médias et journalisme à l'université de Hongkong, estime qu'il est "indéniable que le gouvernement chinois a verrouillé l'accès à ce qu'il considère être des informations ou des vidéos sensibles". "Nous comptons sur des touristes pour nous envoyer des informations", explique-t-il. Le quotidien britannique The Guardian a fait partie des premiers sites d'informations à publier des photographies et des vidéos des affrontements à Lhassa. Le site de la BBC a mis en ligne des témoignages et des photographies de touristes présents dans la capitale tibétaine. Le site du Guardian serait également inaccessible actuellement en Chine, alors que la BBC est périodiquement censurée. Un discours du dalaï-lama y a notamment été bloqué.

Comme ce fut le cas en septembre 2007 lors des manifestations des bonzes en Birmanie, les médias occidentaux étaient absents lorsque les troubles ont commencé. Plus encore qu'à Rangoun, les journalistes étrangers ont eu du mal à se rendre au Tibet pour constater l'étendue des dégâts et le degré réel de violence. L'accès est en effet interdit aux médias étrangers, et seuls les journalistes ayant obtenu un permis spécial – qui n'est pas nécessaire pour visiter d'autres régions chinoises – ont pu s'y rendre avant lundi. Quant à ceux qui sont sur place, ils courent le risque d'être expulsés ; l'Association des journalistes de Hongkong a notamment fait état, lundi, de l'expulsion de six de ses journalistes présents à Lhassa.

Luc Vinogradoff

 

Emeutes au Tibet : le Parlement en exil évoque des centaines de morts, l'armée chinoise se déploie

Emeutes au Tibet : le Parlement en exil évoque des centaines de morts, l'armée chinoise se déploie
LEMONDE.FR avec Reuters et AP | 17.03.08 | 09h12 • Mis à jour le 17.03.08 | 10h21


AP
L'armée chinoise s'est déployée dans des régions gagnées par les troubles. Lhassa, la capitale de ce territoire isolé de l'Himalaya, a été placée sous étroite surveillance policière, tout comme les enclaves tibétaines du Sichuan et de Gansu.

AFP/PRAKASH MATHEMA
A Katmandou, la police népalaise s'est heurtée lundi à une centaine de manifestants tibétains et de moines bouddhistes et une trentaine de personne ont été interpellées.


Des centaines de personnes ont été tuées dans les violences survenues au Tibet, a affirmé lundi 17 mars, dans un communiqué, le Parlement des Tibétains en exil à Dharmasala, dans le nord de l'Inde. "Le fait que de vastes manifestations qui ont débuté le 10 mars dans la capitale Lhassa et d'autres régions du Tibet aient entraîné la mort de centaines de Tibétains avec usage de la force (...) doit être porté à l'attention des Nations unies et de la communauté internationale", indique le communiqué du Parlement.

Les autorités chinoises ont affirmé ne pas s'être servies d'armes léthales contre les manifestants."Nous n'avons pas ouvert le feu", a dit Qiangba Puncog, le gouverneur du territoire autonome, lors d'une conférence de presse à Pékin, précisant que les forces de l'ordre s'étaient contentées d'utiliser des grenades lacrymogènes et un canon à eau. Dans le même temps, l'armée chinoise s'est déployée dans des régions gagnées par les troubles.

Lhassa, la capitale de ce territoire isolé de l'Himalaya, a été placée sous étroite surveillance policière, tout comme les enclaves tibétaines du Sichuan et de Gansu. Selon le Centre tibétain pour les droits de l'homme et la démocratie, une ONG présente à Dharamsala, les forces de sécurité chinoises ratissent déjà Lhassa, maison après maison. Les autorités chinoises ont fixé un ultimatum aux émeutiers tibétains, les exhortant à se rendre à la police avant lundi 17 mars minuit pour bénéficier de leur clémence, sans quoi ils s'exposeraient à des sanctions sévères.

Qiangba Puncog, le gouverneur du territoire autonome, a ajouté que treize "civils innocents" avaient été tués et plusieurs dizaines de policiers blessés vendredi lorsque les manifestations des jours précédents ont dégénéré en émeute dans les rues de Lhassa. A Dharamsala, dans le nord de l'Inde, le gouvernement en exil du Tibet a avancé pour sa part un bilan de 80 morts. Qiangba Puncog a ajouté que les émeutes de vendredi avaient été préméditées, planifiées et organisées par des "forces extérieures et intérieures" appartenant à la "clique du dalaï-lama".

"GRAVE DANGER"

Face à cette situation, le dalaï-lama a réclamé qu'une enquête soit ouverte afin de déterminer si un génocide culturel était en cours au Tibet. "La nation tibétaine fait face à un grave danger. Que la Chine le reconnaisse ou non, il y a un problème", a dit le chef spirituel en exil des Tibétains, à Dharamsala, dans le nord de l'Inde. En outre, a-t-il dit, la communauté internationale a le "devoir moral" de rappeler à la Chine qu'elle devait être un bon organisateur des Jeux olympiques ; il a estimé toutefois que Pékin méritait d'accueillir ces jeux, cet été.

A Katmandou, la police népalaise s'est encore heurtée, lundi, à une centaine de manifestants tibétains et de moines bouddhistes et une trentaine de personnes ont été interpellées. Les manifestants se trouvaient près du principal édifice de l'ONU dans la capitale du Népal quand les policiers armés de matraques en bambou les ont chargés, embarquant certains d'entre eux dans des fourgons. Cette manifestation survient après d'autres mouvements de protestation contre le régime chinois au Tibet violemment réprimées.

 

2008年3月17日月曜日

Reprise des manifestations au Tibet, les autorités lancent un ultimatum aux manifestants

Reprise des manifestations au Tibet, les autorités lancent un ultimatum aux manifestants
LEMONDE.FR | 14.03.08 | 19h25 • Mis à jour le 15.03.08 | 16h21


 

Les autorités chinoises veulent livrer une "guerre populaire" contre les "séparatistes" tibétains

Les autorités chinoises veulent livrer une "guerre populaire" contre les "séparatistes" tibétains
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 16.03.08 | 13h40 • Mis à jour le 16.03.08 | 13h43


AFP/--
A Lhassa, le 16 mars.


AFP/MANAN VATSYAYANA
Conférence de presse du dalaï lama, le 16 mars.


Le gouvernement tibétain en exil a annoncé, dimanche 16 mars, à Dharamsala (nord de l'Inde) avoir reçu la confirmation d'un bilan de 80 morts dans les violences au Tibet. Thubten Samphel, porte-parole de l'administration tibétaine à Dharamsala, explique que ce bilan a été établi "à partir de coups de téléphone passés depuis le Tibet" par des témoins. Depuis au moins trois Tibétains auraient été tués par balles lors d'une manifestation réprimée par la police à Ngawa, un district tibétain de la province du Sichouan, où les manifestations anti-chinoises ont été sévèrement réprimées.

Lors d'une conférence, le dalaï lama a réclamé dimanche une enquête internationale sur les violences au Tibet et dénoncé un "génocide culturel" mené par "un régime de la terreur". Le précédent bilan confirmé du gouvernement en exil faisait état de 30 morts tandis que les autorités chinoises ont avancé un bilan d'au moins dix morts. L'agence officielle Chine nouvelle rapporte que 12 policiers ont aussi été grièvement blessés.

Dimanche, la capitale du Tibet, Lhassa, est toujours bouclée et quadrillée par les forces de l'ordre. Les autorités affirment que la situation est sous contrôle. Une réunion de crise s'est tenue samedi, sous la houlette du secrétaire régional du Parti communiste, Zhang Qingli. "La réunion a souligné qu'il fallait (...) livrer une guerre populaire contre la division et pour protéger la stabilité", , rapporte le Tibet Daily, un journal aux mains des autorités chinoises. "Les faits montrent clairement une orchestration minutieuse des forces séparatistes et réactionnaires de l'intérieur et de l'étranger", dont "le but est l'indépendance", indique le journal. "Il faut mettre en lumière la face hideuse du groupe du dalaï lama", est-il encore écrit.

Les autorités ont déjà donné un ultimatum aux émeutiers, les exhortant à se rendre à la police avant lundi minuit pour bénéficier de leur clémence, sans quoi ils s'exposeraient à des sanctions sévères. Le gouvernement a mobilisé en outre des moines bouddhistes jouissant de la faveur du pouvoir pour dénoncer les manifestations. Selon l'agence Chine Nouvelle, les autorités chinoises auraient même reçu dimanche le concours du panchen lama, officiellement numéro deux des dirigeants spirituels tibétains, nommé par les autorités de Pékin au détriment d'un jeune garçon choisi par le dalaï lama.

 

La soudaine colère d'une population amère, d'ordinaire pacifique

La soudaine colère d'une population amère, d'ordinaire pacifique
LE MONDE | 15.03.08 | 13h54 • Mis à jour le 15.03.08 | 14h09

A l'approche des Jeux olympiques (8-24 août) qui pourraient servir de prétexte aux adversaires de Pékin pour attirer l'attention sur les graves manquements aux droits de l'homme dont est accusée la Chine, on pouvait s'attendre à ce que le Tibet, l'un des maillons les plus faibles de la République populaire, saisisse cette opportunité. La plupart des Tibétains, dont le pays fut annexé en 1951 par la Chine après que l'armée populaire de "libération" eut "libéré" Lhassa un an plus tôt, ne se sont jamais totalement résignés à devenir chinois.

Certes, au fil des ans, tous ceux qui, dans la population, n'ont jamais connu autre chose que le pouvoir de Pékin, ont bien dû s'accommoder de l'évidence. Le Tibet est chinois et risque fort de le rester. Mais le processus de colonisation, incarné de manière spectaculaire par la ligne de chemin de fer qui relie désormais Lhassa au reste de l'empire, a donné le sentiment aux Tibétains que, désormais, leur pays n'est plus qu'une terre de conquête économique - et touristique - pour le reste de la Chine.

Faut-il donc voir dans cette accumulation de frustration, "ce profond ressentiment" à l'égard des Chinois dont vient de parler le dalaï-lama, la cause de cette soudaine flambée de violence ? La main du pouvoir, relayé localement par des thuriféraires d'ethnie tibétaine, est si ferme qu'elle a réussi, depuis une bonne dizaine d'années, à supprimer toute velleité de protestation. A la fin des années 1990, on entendait encore parler dans Lhassa d'incidents isolés, d'un moine téméraire qui, levant le poing sur l'une des places, osait crier "Vive le Tibet libre !". Depuis, l'ordre régnait.

Pékin accuse la "clique" du dalaï-lama et de ses relais en Inde, où siège son gouvernement d'exil, d'avoir fomenté les troubles. Ce dernier s'en défend. La communauté tibétaine à l'étranger ne partage certes pas toujours, loin s'en faut, la modération affichée du plus révéré des lamas. Dans le nord de l'Inde, plusieurs centaines de Tibétains ont tenté d'organiser une marche symbolique vers leur patrie avant d'en être empêchés par la police. A Katmandou, au Népal, où réside également une importante communauté tibétaine, des activistes qui se dirigeaient vers l'ambassade de Chine ont affronté les forces de l'ordre.

Que les manifestations des moines de Lhassa, qui rappellent dangereusement au pouvoir chinois le précédent birman de l'automne 2007, aient pu ou non avoir été plus ou moins planifiées ne change rien à l'affaire. Elles ont fourni le terreau où la colère rentrée d'une partie de la population, d'ordinaire pacifique, s'est aussitôt dirigée contre "l'ennemi" tout désigné : la population chinoise, qui forme sans nul doute aujourd'hui la majorité de la population de Lhassa.

Ce n'est pas une révolution. Rien qu'une révolte qui en dit long sur l'amertume des citoyens de cette "région autonome" qui porte bien mal son nom.

Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 16.03.08.

 

Face au péril écologique, Pékin crée un ministère de l'environnement

Face au péril écologique, Pékin crée un ministère de l'environnement
LE MONDE | 14.03.08 | 16h09 • Mis à jour le 14.03.08 | 16h09
SHANGHAÏ CORRESPONDANT

AFP/FREDERIC J. BROWN
Cette promotion de l'institution vigie de l'environnement devrait lui permettre de plaider la cause de l'écologie au plus haut niveau de l'Etat chinois.


Soucieuse d'intensifier sa lutte contre la pollution et le gaspillage énergétique, la Chine va donner à l'Agence d'Etat de protection de l'environnement (State Environment Protection Agency, SEPA), l'agence de protection de l'environnement, le statut d'un ministère. La décision devrait être entérinée samedi 15 mars à la clôture de la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire (ANP). Cette promotion de l'institution vigie de l'environnement devrait lui permettre de plaider la cause de l'écologie au plus haut niveau de l'Etat chinois. Les ambitions de la SEPA, dont le vice-directeur, Pan Yue, est personnellement très impliqué dans le combat antipollution, s'étaient jusqu'à présent heurtées à un manque de moyens.

Lors de la présentation du projet à l'ANP, Hua Jianmin, le secrétaire général du Conseil d'Etat (gouvernement), a déclaré qu'il s'agissait d'"accélérer la construction d'une société économe en ressources et sensibilisée aux questions environnementales", ajoutant que "la tâche à accomplir pour réduire la pollution est gigantesque".

Le premier ministre, Wen Jiabao, a annoncé la semaine dernière que la consommation d'énergie de la Chine rapportée au PIB avait reculé de 3,27 % en 2007, une bonne performance qui reste toutefois insuffisante au regard des engagements pris par la Chine d'ici à 2010. Ces derniers mois, la SEPA avait redoublé d'agressivité : elle a imposé à l'ensemble des sociétés des secteurs les plus consommateurs en énergie de rendre public leurs données d'impact environnemental.

La réforme de la SEPA ne va toutefois pas résoudre à court terme les difficultés qu'elle rencontre au niveau local : la collusion entre les officiels locaux et les industriels parasite ses efforts de prévention, déplorent les écologistes chinois. Ses représentants locaux restent le plus souvent aux ordres du gouvernement local. L'immaturité des dirigeants d'entreprise, la complexité du tissu industriel et le nombre très élevé de petites et moyennes entreprises (PME) dans un environnement très concurrentiel font du contrôle une gageure : la nouvelle SEPA devrait voir passer ses effectifs permanents de 300 à 400 personnes - contre 18 000 employés pour son homologue américain.

Seul un rôle plus large donné à la société civile pourrait pallier ces faiblesses : mais les ONG chinoises, intimidées par toutes sortes de contraintes administratives et politiques, se cantonnent à des actions de sensibilisation et de pédagogie. Dans les villes, et surtout les zones rurales, des résidents qui se mobilisent contre des projets polluants ont non seulement du mal à se faire entendre, mais il n'est pas rare qu'ils soient harcelés, arrêtés par la police sur ordre des chefs locaux et, pour certains, condamnés à plusieurs années de prison ou de camp de travail pour des motifs spécieux.

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 15.03.08.

 

Tibet: "génocide culturel", selon le dalaï lama

Tibet: "génocide culturel", selon le dalaï lama

- Militaires chinois dans les rues de Lhassa, la capitale du Tibet (15-3-2008) - AFP - STR -

Militaires chinois dans les rues de Lhassa, la capitale du Tibet (15-3-2008)

© AFP - STR

Le dalaï lama, leader spirituel des Tibétains, a condamné dimanche de son exil indien un "génocide culturel"

S'exprimant sur les violences qui auraient fait 80 morts à Lhassa (10 morts pour Pékin), selon le gouvernement tibétain en exil, il a dénoncé un "régime de terreur" et demandé une enquête internationale. Mais il refuse d'appeler au boycott des J.O.

Selon des témoins, les violences se poursuivaient dimanche dans la capitale du Tibet.

Les manifestations s'étendent hors du Tibet
Dimanche, dans une province chinoise voisine du Tibet, le Sichuan (sud-ouest), deux cents manifestants tibétains ont lancé des cocktails Molotov et incendié un commissariat de police, un marché et des habitations du comté d'Aba, a rapporté un policier. Ils sont devenus fous", a-t-il déclaré, la voie tremblante, joint par téléphone alors que le principal bâtiment administratif du comté était assiégé par les émeutiers.

Les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser la foule et procédé à des arrestations parmi les manifestants, qui ont aussi brûlé deux véhicules de police et un camion de pompiers. Des policiers ont été blessés par des jets de pierres. Selon le témoignage d'un Tibétain résident à Aba, des bruits très forts semblables à des coups de feu résonnaient et la rumeur circulait que plus de dix personnes avaient été tuées.
"La situation est très tendue. Les policiers sont partout, contrôlent tout et examinent les blessés", a rapporté un autre habitant d'Aba, qui a ajouté que la plupart des manifestants étaient des étudiants du lycée tibétain.

Un monastère pris d'assaut
Une ONG, le Centre tibétain pour les droits de l'homme et la démocratie, fait état sur son site internet de la mort de sept personnes tuées par balles et ajoute que les moines de la lamasserie d'Amdo Ngba Kirti, également dans le comté d'Aba au Sichuan, ont hissé le drapeau tibétain et scandé des slogans en faveur de l'indépendance du Tibet, après les prières du matin.

Les forces chinoises ont donné l'assaut au monastère, où vivent 2.800 lamas. Ils ont tiré des gaz lacrymogènes et empêché les moines de sortir manifester. Le Sichuan, limitrophe du Tibet, est l'une des quatre provinces qui comptent une importante minorité tibétaine.

Par ailleurs, au moins sept Tibétains ont été tués par balles dimanche lors d'une manifestation réprimée par la police à Ngawa, un autre district tibétain de la province du Sichuan (sud-ouest), selon un témoin direct et deux groupes pro-tibétains.

Les déclarations du dalaï lama
"S'il vous plaît, enquêtez, si cela est possible... Qu'un organisme international tente d'abord d'enquêter sur la situation au Tibet", a plaidé le chef spirituel du bouddhisme tibétain, lors d'une conférence de presse à Dharamsala (Inde), où il vit en exil.

"Que ce soit de façon intentionnelle ou non, un génocide culturel est en train de se dérouler", a ajouté le dignitaire, affirmant que les Tibétains étaient traités "comme des citoyens de seconde classe" au sein de la région autonome chinoise. Le dalaï lama a également pourfendu le mode de gouvernement imposé par la Chine. "Ils s'appuient uniquement sur la force de façon à obtenir un simulacre de paix, une paix amenée par la force au moyen d'un régime de la terreur", a considéré le chef spirituel tibétain.

Il s'est toutefois refusé à appeler au boycottage des Jeux olympiques prévus en août à Pékin. "Je souhaite ces jeux", a-t-il dit. "Le peuple chinois (...) a besoin de se sentir fier. La Chine mérite d'accueillir les Jeux olympiques", a-t-il estimé. "On doit rappeler à Pékin qu'il doit être un hôte convenable pour les Jeux olympiques", a-t-il déclaré.

Interrogé sur le bilan des émeutes, le dalaï lama a déclaré: "Nous avons différentes sources: certains disent 10 [morts, NDLR], d'autres 30, d'autres encore 60, et certains 80, 100. Je ne sais pas".

Il a par ailleurs réaffirmé qu'il luttait pour une autonomie du Tibet, et non l'indépendance, Il a rappelé que son action était non violente. A la question de savoir s'il avait la capacité de mettre fin aux manifestations, le chef spirituel des Tibétains a répondu qu'il n'avait "pas un tel pouvoir". "Je me sens impuissant", a-t-il affirmé.

La situation à Lhassa
Dimanche, l'armée chinoise a bouclé Lhassa, capitale de la région autonome du Tibet - qui est interdite aux journalistes étrangers non pourvus d'un sauf-conduit et inaccessible désormais aux touristes - afin d'éviter que se reproduisent des émeutes comme celles de vendredi, les plus graves au Tibet depuis 1989.
De nombreux magasins ont rouvert et les voitures circulaient de nouveau dans les rues de Lhassa, le calme y étant revenu, a affirmé dimanche l'agence de presse officielle Chine nouvelle.

Cette description contraste vivement avec les derniers témoignages. "J'ai entendu des coups de feu étouffés. Il n'y a aucun doute", a déclaré un représentant de l'ONG Volunteer Medics Worldwide, dimanche à son arrivée à Chengdu (ouest de la Chine), Gerald Flint, un ancien marine américain. "Il y a eu des coups de feu. La nuit dernière, spécialement, la situation était mauvaise", a dit Chelsea Cockett, étudiante américaine, arrivée à bord du même vol.


"Il y a des soldats à chaque coin de rue, des militaires en tenue de combat complète. Des tas de camions", a expliqué le représentant de Volunteer Medics Worldwide. Il a décrit la tenue de combat des soldats chinois comprenant "armes automatiques, masques à gaz, casques, boucliers". L'ancien marine a aussi fait état de bruits "d'explosions". Samedi, "on a commencé à entendre davantage d'explosions à partir de l'après-midi jusque dans la nuit".

Fumées au dessus de Lhassa, selon les images de la télévision chinoise reprise par la chaîne France 24 (AFP - France 24 - TV Grab)


De son côté, l'étudiante a expliqué avoir été confinée à l'hôtel à son arrivée à Lhassa. "Il y avait des militaires autour et ils ne nous laissaient pas partir. Il y avait des coups de feu et nous ne savions pas ce qui se passait", a raconté Chelsea Cockett. "Les étrangers étaient plus ou moins sous arrestation à domicile", a souligné Gerald Flint.

Autres témoignages
Un peu plus tôt, d'autres témoins affirmaient que la capitale du Tibet, en proie à des émeutes vendredi, était calme et était toujours quadrillée par les forces de l'ordre chinoises. "L'est de Lhassa est bloquée par la police armée. On n'y pénètre que muni d'un document d'identité, si l'on y vit ou y travaille. Mais dans l'ouest, où se trouve mon restaurant, la situation est meilleure. Nous sommes ouverts, même si nous avons moitié moins de clients que d'habitude", a affirmé le patron d'un restaurant sous couvert de l'anonymat.

"Les choses sont rentrées dans l'ordre, il ne faut pas croire les rumeurs, c'est exagéré. C'est vrai que l'armée est présente mais les gens sont retournés à leurs activités", selon une employée d'un tribunal.

De nombreuses personnes jointes dans les hôtels dimanche affirmaient ne pas avoir repris le cours normal de leur existence. "La direction ne nous permet pas de sortir. Nous sommes dans l'hôtel depuis vendredi. Dehors, il y a la police armée partout", a indiqué une réceptionniste d'hôtel.

"Lhassa est calme. Nous n'avons pas décrété la loi martiale et la situation au Tibet dans l'ensemble est bonne maintenant", a affirmé de son côté le maire de la préfecture de la région autonome du Tibet.

Un bilan des victimes
Le gouvernement tibétain en exil a annoncé dimanche avoir reçu, "pour le moment", la confirmation d'un bilan de "80 morts confirmés", la majorité tibétains, dans les violences. Bilan établi "à partir de coups de téléphone passés depuis le Tibet" par des témoins, notamment des membres "des services de sécurité". "72 personnes ont également été blessées", selon la même source.


Emeutier à Lhassa, selon une image de la télévision officielle chinoise CCTV (AFP - Peter Parks)"Parmi les 80 morts figurent cinq jeunes filles tuées à l'extérieur de Lhassa", a indiqué un proche collaborateur du dalaï lama, leader spirituel des tibétains en exil en Dharamsala (nord de l'Inde).

De leur côté, les autorités de Pékin affirment que 10 personnes ont été tuées, des commerçants chinois pour la plupart.

Menaces chinoises
Les autorités ont juré de maintenir l'ordre et de "réagir fermement" aux auteurs des violences à Lhassa. Elles accusent ces derniers d'être des séparatistes à la solde de "la clique du dalaï lama".

Selon le "Quotidien du Tibet", les responsables locaux ont tenu une réunion de crise samedi, sous la houlette du secrétaire régional du parti communiste, Zhang Qingli. "La réunion a souligné qu'il fallait (...) livrer une guerre populaire contre la division et pour protéger la stabilité", écrit le journal.

"Les faits montrent clairement une orchestration minutieuse des forces séparatistes et réactionnaires de l'intérieur et de l'étranger", dont "le but est l'indépendance", indique le "Quotidien du Tibet". "Il faut mettre en lumière la face hideuse du groupe du dalaï lama", ajoute-t-il.

Selon Chine Nouvelle, les autorités chinoises ont reçu dimanche le concours du panchen lama, officiellement numéro deux des dirigeants spirituels tibétains, qu'elles ont elles-mêmes nommé. Le jeune homme, aujourd'hui âgé de 18 ans, a condamné "les actes d'une petite minorité", qui "ont non seulement porté atteinte aux intérêts de la nation et du peuple, mais aussi violé le but du bouddhisme", selon l'agence officielle.

Chine: nouvelles manifestations de Tibétains
Plusieurs Tibétains ont été tués par balles dimanche lors d'une manifestation réprimée par la police à Ngawa, dans un district tibétain de la province du Sichuan (sud-ouest), selon un témoin direct et deux groupes pro-tibétains cité par l'AFP.

"La manifestation a été violemment dispersée. La police a tiré dans la foule. il y a sept morts", affirme Campagne internationale pour le Tibet qui cite des témoins. Le Centre tibétain pour les droits de l'homme et la démocratie parle de "treize morts confirmés", dont dont des moines du monastère Kirti, à Ngawa (Aba en chinois), à 1000 kilomètres au nord-est de Lhassa.

Selon Reuter, qui cite "un policier", 200 manifestants ont incendié un commissariat de police dans la province du Sichuan. Cette région, limitrophe du Tibet, est l'une des quatre provinces chinoises comptant une forte minorité de Tibétains.

"Les manifestants ont attaqué le siège de la police, ont mis le feu à des voitures et la police a tiré (...) J'ai vu trois personnes mortes", a indiqué à l'AFP un résident au téléphone.
"Il y avait 200 personnes qui manifestaient, des moines et des civils tibétains, c'était vers 10 heures (2 h GMT ) ce matin (...). Elles ont d'abord voulu attaquer le bâtiment du gouvernement du district puis elles sont allées à la police", a poursuivi ce témoin.

"Après la prière, les manifestants se sont dirigés vers le centre de la ville et ont scandé des slogans pour la libération du Tibet et le retour du dalaï lama ", selon un porte-parole du Tibet Center for Human Rights and Democracy, basé en Inde.

Samedi, de nouvelles manifestations de moines tibétains avaient éclaté dans le nord-ouest de la Chine. Ces manifestations ont eu lieu dans la province chinoise du Gansu, selon des groupes de défense des Tibétains. "Nous avons eu confirmation de manifestations au monastère de Labrang à Xiahe et les forces de l'ordre sont intervenues avec des gaz lacrymogènes", a indiqué Campagne internationale pour le Tibet. Labrang est l'un des plus grands monastères du bouddhisme tibétain, hors de la région administrative du Tibet administrée par la Chine.

Manifestation de moines boudhistes à Xiahu dans la province chinoise de Gansu (AFP, 14-3-2008))"Des bâtiments officiels ont été détruits, des gaz lacrymogènes ont été tirés, environ 20 personnes ont été arrêtées", a fait savoir de son côté l'organisation Free Tibet Campaign.

Plusieurs milliers de Tibétains avaient déjà manifesté à Xiahe vendredi.

D'autres défilés ont été signalés dans au moins deux autres villes de cette province (Bora et Taktshang) qui abrite plusieurs monastères, selon une autre organisation, Free Tibet Campaign. A Bora, des véhicules auraient été incendiés.

Réactions internationales
Les Etats-Unis et les pays de l'UE ont demandé à la Chine de faire preuve de "retenue" et appelé au respect de la culture tibétaine.

De leur côté, les pays asiatiques, notamment le Japon et la Corée du Sud, se sont abstenus de réagir aux évènements. A la notable exception de Taïwan. "Nous condamnons vivement le recours à la force par la Chine pour réprimer le Tibet et appelons la communauté internationale à suivre de près l'évolution de la situation au Tibet", a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de l'île que la Chine considère comme partie intégrante de son territoire.

2008年3月12日水曜日

Le dalaï-lama dénonce la répression "inimaginable" de Pékin au Tibet

Le dalaï-lama dénonce la répression "inimaginable" de Pékin au Tibet
LE MONDE | 11.03.08 | 13h58 • Mis à jour le 11.03.08 | 13h58
PÉKIN CORRESPONDANT


AFP/MANAN VATSYAYANA
Le dalaï-lama - ici, le 10 mars 2008 à Dharamsala - a toujours dénoncé la répression de la Chine au Tibet.


Le dalaï-lama a prononcé, lundi 10 mars, depuis la ville indienne où il est en exil, un discours d'une rare virulence contre le régime de Pékin à l'occasion du 49e anniversaire de sa fuite de Lhassa, qu'il avait dû quitter précipitamment en 1959 après un soulèvement manqué de la population de la capitale tibétaine contre l'armée d'occupation chinoise.

Contrastant avec son approche habituellement plus conciliante à l'égard de la Chine, le chef de l'Eglise tibétaine a dénoncé une "répression continuelle" par les forces de sécurité du régime et des "violations énormes et inimaginables des droits de l'homme", le tout s'accompagnant "de la négation de la liberté religieuse et de la politisation des questions religieuses".

Au même moment, illustrant ce regain de tension autour de la question tibétaine, environ soixante-dix moines ont été arrêtés lundi à Lhassa, après avoir pris part à deux petites marches commémorant le soulèvement de 1959. Selon la radio américaine Radio Free Asia, la plus importante procession a mobilisé quelque trois cents religieux qui ont tenté de rejoindre le centre-ville à partir du monastère de Drepung, situé en périphérie de Lhassa. Les forces paramilitaires chinoises étaient déployées mardi dans la cité pour la seconde journée consécutive.

Le discours de Sa Sainteté Tenzing Gyatso, 72 ans, 14e dalaï-lama et Prix Nobel de la paix 1989, s'inscrit dans ce contexte crispé. Le chef tibétain semble désormais découragé après avoir inlassablement répété - au risque de s'attirer les critiques de jeunes Tibétains en exil pour lesquels sa politique trop "molle" n'a pas porté ses fruits - que "le Tibet fait partie de la Chine" et qu'il est prêt au dialogue avec Pékin : "Depuis la reprise de contacts directs en 2002 entre le gouvernement en exil tibétain et le gouvernement chinois, aucun changement positif ne s'est produit au Tibet, a-t-il regretté. Les autorités chinoises continuent d'agir de manière que l'on peut qualifier de comportement inhumain."

"GÉNOCIDE CULTUREL"

Le dalaï-lama, qui n'a cessé de dénoncer le "génocide culturel" en cours sur le Toit du monde, a mis de nouveau l'accent sur le fait que "la langue, les coutumes, les traditions du Tibet sont en train de disparaître", tandis que l'augmentation de la population non tibétaine d'ethnie chinoise han "a réduit les Tibétains à une insignifiante minorité dans leur propre pays".

Le chef du gouvernement en exil, qui siège dans la petite ville himalayenne de Dharamsala (Inde), a cependant affirmé qu'il approuvait la tenue en Chine des Jeux olympiques. Il a par ailleurs affirmé qu'il était déterminé à poursuivre sa politique modérée "de la voie du milieu". Mais les autorités chinoises ont toujours choisi d'ignorer ces ouvertures du dalaï-lama, ne cessant de fustiger ses velléités "séparatistes".

La communauté tibétaine en exil a commencé par ailleurs à se mobiliser, cinq mois avant le début des Jeux de Pékin que certains dissidents perçoivent comme l'occasion d'attirer l'attention sur les questions des droits de l'homme en Chine. Partis lundi de Dharamsala dans l'intention de passer clandestinement au Tibet et d'organiser une marche symbolique dans leur pays d'origine, une centaine d'exilés tibétains ont été arrêtés dans leur progression par la police indienne. Mais l'un de leur porte-parole a indiqué qu'ils poursuivraient leur marche.

Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 12.03.08.
 

Le mouvement de libération du Tibet s'affirme à l'approche des JO de Pékin

Le mouvement de libération du Tibet s'affirme à l'approche des JO de Pékin
LEMONDE.FR avec AFP | 10.03.08 | 17h02 • Mis à jour le 10.03.08 | 17h02



REUTERS/GOPAL CHITRAKAR
Un jeune moine réclame la libération du Tibet devant l'ambassade de Chine de Katmandou, Népal, le 10 mars.


Des affrontements entre des centaines de réfugiés tibétains et la police ont fait cinq blessés, lundi 10 mars, à Katmandou (Népal). Les réfugiés avaient organisé une manifestation devant l'ambassade de Chine à l'occasion du 49e anniversaire de la fuite en Inde du dalaï-lama, chef spirituel des bouddhistes tibétains. Mais le rassemblement pacifique a vite dégénéré, après la charge des policiers contre les manifestants. Plus de 100 manifestants ont été arrêtés.
LES JO DE PÉKIN, COUP DE PROJECTEUR SUR LA CAUSE TIBÉTAINE

Auparavant, le dalaï-lama – qui s'exprimait devant ses partisans à Dharamsala, son exil indien – avait violemment dénoncé la répression chinoise au Tibet, dans une déclaration inhabituellement sévère. Fort d'un regain de soutien en Occident à la veille des Jeux olympiques de Pékin, il s'est insurgé contre des "violations des droits de l'homme" commises par la Chine au Tibet dans des proportions "énormes et inimaginables" allant "jusqu'à la négation de la liberté religieuse".

Par ailleurs, une centaine de réfugiés tibétains ont quitté lundi Dharamsala pour entamer une marche vers le Tibet afin de protester contre ce qu'ils considèrent comme l'occupation illégale de leur patrie par la Chine. Les manifestants, parmi lesquels des moines et des nonnes bouddhistes ainsi que des jeunes Tibétains nés en exil et qui n'ont jamais vu le territoire himalayen, espèrent donner un second souffle au mouvement de libération du Tibet à l'occasion des JO. "Le gouvernement (chinois) se sert des JO comme vitrine pour légitimer son occupation illégale du Tibet qui appartient aux Tibétains. Nous ne renoncerons jamais tant qu'il ne sera pas indépendant", a promis l'organisateur de la marche, Tsewang Rigzin, président du congrès de la jeunesse tibétaine.

 

Pékin intensifie sa campagne d'intimidation des contestataires

Pékin intensifie sa campagne d'intimidation des contestataires
LE MONDE | 10.03.08 | 15h47 • Mis à jour le 10.03.08 | 15h47
PÉKIN CORRESPONDANT

Cinq mois avant les Jeux olympiques de Pékin (8-24 août), le régime chinois poursuit sans faiblir sa politique d'intimidation à l'égard de tous ceux qui menacent de gâcher la fête au nom de la défense des libertés d'expression du citoyen.

Dernier exemple en date : l'enlèvement, jeudi 6 mars à Pékin, par des policiers en civils, de l'avocat Teng Biao. Relâché samedi, ce professeur de droit dans une université pékinoise, militant connu pour ses prises de position en faveur des droits de l'homme en Chine, a raconté avoir été kidnappé par des agents du bureau de la sécurité publique qui l'ont emmené dans une voiture banalisée.

Le scénario est classique : "Ils ne m'ont montré aucun papier me permettant de les identifier", a-t-il fait savoir après sa libération à des agences de presse étrangères. "Mais avant de me relâcher, ils m'ont dit de ne plus parler à des journalistes étrangers."

Agé de 34 ans, l'avocat avait écrit une lettre ouverte en septembre 2007, intitulée "La réalité de la situation dans la Chine préolympique". Il appelait la communauté internationale à faire pression sur le gouvernement pékinois à propos des violations des droits de l'homme dans son pays. Le coauteur de cette lettre, le militant Hu Jia, a été arrêté fin décembre 2007 et inculpé "d'incitation à la subversion du pouvoir d'Etat".

STRATÉGIE DE RÉPRESSION

Teng Biao n'est pas un inconnu hors des frontières de la Chine. A Paris, la secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, Rama Yade, lui avait remis en décembre le prix "des droits de l'homme de la République française" ainsi qu'à deux autres de ses collègues chinois, Mo Shaping et Li Jinsong.

L'intimidation dont a été l'objet M. Teng s'inscrit dans une stratégie plus large de répression visant les militants des droits civiques : le 28 février, Wang Guilan a été arrêté à Pékin après avoir, elle aussi, publié une pétition dénonçant le non-respect des droits de l'homme qui avait recueilli quelque 12 000 signatures.

Ceux qui se sont montrés encore plus radicaux, tels Yang Chunlin et Wang Guilin, initiateurs d'une campagne sur le thème "Nous voulons les droits de l'homme, pas les JO", ont été arrêtés et risquent de lourdes peines de prison.

Reporters sans frontières (RSF) attirait récemment l'attention sur le cas de l'avocat et écrivain Guo Feixiong, emprisonné depuis un an et demi : il est en grève de la faim après avoir été battu par ses codétenus et, selon sa femme, torturé par ses geôliers, dans une prison de la province du Guangdong (Sud).

Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 11.03.08.




Pékin dit avoir déjoué des projets d'attentats contre les JO

A cinq mois des Jeux olympiques, les autorités chinoises ont révélé, dimanche 9 mars, que des séparatistes présumés, tués en début d'année dans le Xinjiang, région musulmane du nord-ouest de la Chine, préparaient un attentat contre les Jeux de Pékin. La police avait démantelé, le 27 janvier à Urumqi, capitale du Xinjiang, un groupe séparatiste lié au Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM) qui, selon elle, préparait des attentats. Un autre projet d'attentat contre un avion assurant la liaison entre Urumqi et Pékin a été déjoué vendredi, selon l'agence Chine nouvelle.

Les organisations de défense des droits de l'homme accusent rituellement Pékin d'user du prétexte de la "guerre contre la terreur" pour justifier sa répression dans le Xinjiang. - (AFP.)

 

2008年3月10日月曜日

Pékin : les chantiers de la démesure

Pékin : les chantiers de la démesure
LE MONDE | 07.03.08 | 14h09 • Mis à jour le 07.03.08 | 14h09
PÉKIN ENVOYÉ SPÉCIAL


AP/NG HAN GUAN
Le Grand Stade de Pékin, plus connu sous le nom de "nid d'oiseau", le 6 mars 2008.


Ce n'est pas un métier simple de surveiller une ville comme Pékin, ni même de l'observer. Frank Palmer est photographe à grande échelle. A la manière d'un Yann Arthus-Bertrand qui regarde le monde de haut, ou d'un Andreas Gursky qui nous le montre en large, Palmer s'est spécialisé dans la construction XXL : les plus hauts ponts du monde, les plus hautes tours, les plus délirantes... et Pékin, théâtre du plus grand chantier de l'histoire, en prévision des Jeux olympiques 2008.

Dans son objectif, parfois hissé au sommet d'une grue ou dans un hélicoptère, il a regardé surgir ces ouvrages d'art marqués du sceau de la démesure. Dernier en date : le nouveau terminal de l'aéroport de la capitale chinoise, construit par le Britannique Norman Foster, qui a accueilli son premier vol-test international le 29 février. Décrit comme le plus grand au monde, le nouveau bâtiment, composé de deux grandes ailes symétriques, se présente comme la projection au sol d'un immense oiseau de proie, un superbe phénix qui se serait crashé en douceur. Sa structure est exceptionnelle d'intelligence, de fluidité, d'élégance constructive.

Dans ce bâtiment doté des technologies les plus avancées, la peinture a été passée à la main, raconte, désolé, un responsable technique de l'Agence Foster, encore sous le choc de la vue des 40 000 ouvriers qui travaillaient simultanément sur le site, sans pistolet ni machine à pression. C'est l'un des grands paradoxes de la Chine : la perpétuation à grande échelle de gestes partagés depuis des millénaires par une main-d'oeuvre innombrable et changeante.

Les chantiers de Pékin occuperaient la moitié des mingongs, ces travailleurs migrants estimés à 4 millions ; soit 2 millions de personnes occupées à redessiner la capitale. Ils viennent pour la plupart des campagnes, dépourvus de papiers, sans droits réels, ni contrats, et ils estiment avoir sur ces chantiers une vie "relativement" plus heureuse. On ne compte pourtant pas les accidents, ni les morts, sauf découverte fortuite par la presse. A la différence des protestations qui commencent à se faire entendre chez les habitants déplacés des villes - parole qui n'est jamais sans risque -, il est rare que la loi du silence soit brisée sur les chantiers.

Les mingongs se nourrissent de légumes ou de riz, se partagent par dizaines des baraques assez pestilentielles mais, avec un sens paradoxal de l'hospitalité, ils sourient aux visiteurs coiffés de casques d'emprunt aux couleurs des entreprises étrangères. Ils ne sont pas très loquaces, leur manière de parler, c'est de vous inviter à boire un verre d'eau chaude entre les lits à étages des baraques devant une télé crachotante. En même temps, il leur arrive d'exprimer une véritable fierté. D'autant plus grande que leur chantier est prestigieux.

Chaque corps de profession vient d'une ville ou d'une région et parle le même dialecte, presque le même langage corporel : la grâce, lorsqu'ils sont affectés aux travaux du ciel, une fatigue hirsute lorsqu'ils étendent à la pelle le béton dans les sous-sols.

Les mingongs ne datent pas d'hier, mais ils se sont multipliés et ils sont aujourd'hui au service d'une architecture futuriste. Sur les chantiers, les techniques rappellent parfois celles de la construction traditionnelle, mais appliquée à l'échelle des gratte-ciel, un capharnaüm assez proche d'une plage de Normandie au lendemain du Jour le plus long : ferrailles et blocs de béton jambes en l'air, trous surprises, poutres, planches, clous rouillés et plaques de contreplaqué aux fonctions oubliées.

Tout a changé d'échelle à Pékin, même si, comme dit Liu, un professeur de Tsinghua qui n'est pratiquement jamais sorti du quartier des universités, "Pékin n'est qu'une poussière de Chine".

Peu de temps avant le nouveau terminal de l'aéroport, c'est la livraison d'un autre édifice qui a fait la fierté du pays, moins par son gigantisme que par sa plastique : le Centre de natation, surnommé le "cube d'eau". Dessiné par l'agence australienne PTW, avec le Chinois Zheng Fang, directeur du China Construction Design International (CCDI), voilà un édifice inhabituel par sa structure, un revêtement de bulles plastiques gonflées d'air, qui peut sembler un peu éphémère et fragile et dont Zheng Fang loue en premier lieu la durabilité : "Il est là pour cent ans au moins", ce qui en chinois simplifié peut se traduire ainsi : il n'est pas là pour l'éternité.

Tout à côté du Centre de natation, le parc olympique, vaste espace vert situé au nord de la ville, héberge les principaux équipements olympiques. Leur architecture est souvent plus banale, mais un chef-d'oeuvre domine l'ensemble : le Grand Stade, le "Nid d'oiseau" de 91 000 places imaginé par le tandem suisse Herzog et de Meuron, associé à plusieurs architectes chinois et à l'artiste Ai Weiwei.

Tandis que s'activent encore peintres et plâtriers, les représentants des architectes s'arrachent calmement les cheveux en conduisant la visite. Ils ont été formés à la prestigieuse université de Tsinghua, se sont perfectionnés en Suisse et savent donc dominer leur passion. Pas simple : Herzog et de Meuron, qui n'ont pas la passion de Foster pour les matières lisses, ont obtenu que les murs pleins de l'édifice soient peints à la main du plus beau rouge impérial. Un travail de fourmis, un travail de titans.

Les officiels pékinois préféreraient du brillant, de la peinture au pistolet, ce que Foster n'a pas pu faire à l'aéroport. Ils auraient aimé quelque chose d'un peu plus "flashy". Une fois de plus, la tradition devra-t-elle céder le pas au goût du clinquant de plus en plus présent dans la capitale ?

La peinture, en Chine, n'est pas une affaire mineure. C'est une affaire de couches (sociales) et de persévérance. C'est ce qui faisait l'unité grise de Pékin, la rouge et impériale dignité des murs de la Cité interdite tandis que le jaune ou le bleu des toits de céramique indiquait les hiérarchies dans l'ordre du pouvoir. Quand les froids seront passés, cette question fondamentale de la couleur ne restera sans doute pas secondaire pour les maîtres d'ouvrage du stade olympique.

Les détails de la vie dans cette ville qu'est le Grand Stade en voie d'achèvement feraient presque oublier le spectacle que donne en lui-même l'édifice. Ainsi, alors que les principales structures n'étaient pas encore achevées et moins encore ce qu'on appelle le second oeuvre et la "déco", les télévisions, secondées par quelques vedettes de variétés et le gratin de la mode, ont commencé à se faire la main en prévision du grand show du mois d'août. La pose des dernières grandes arches de la couverture de métal, en 2006, a été l'occasion de rassembler les divers corps de métier, chacun ayant adopté la tenue colorée de son entreprise. Au programme, un défilé de stars ou demi-stars de la télé. Applaudissements tranquilles, joies réelles mais dépourvues d'enthousiasme...

Et pendant ce temps, dans les corridors conduisant de l'arène centrale à l'entrée du monument, boueux à souhait, dégoulinants encore de l'eau de bétons fraîchement coulés, des groupes de pin-up déjantées et sublimes, maquillées comme des palanquins, fumaient clope sur clope en attendant on ne sait quel signe de départ ou d'arrivée. Si les banches à béton ne sont pas étanches, les catégories sociales ainsi dessinées apparaissent infranchissables.

Les chantiers olympiques ont bénéficié de l'expérience de Paul Andreu pendant la construction du Grand Théâtre national (l'Opéra), opération au long cours qui s'est étalée de 2003 à 2008. Il avait fallu faire venir la plus grande grue d'Allemagne, première du genre en Chine. La grue tentaculaire était alors entourée par des dizaines de milliers d'ouvriers au moment les plus intenses de la construction, comme si toutes les machines, tous les outils de taille intermédiaire restaient inconcevables.

Les soudeurs acrobates grimpaient déjà sans filet entre les poutres de la voûte, parfois en gardant leur harnais enroulé sur l'épaule pour assembler à plusieurs dizaines de mètres de haut les pièces d'un puzzle flamboyant dans la nuit. La grue a rejoint depuis le terrain du Grand Stade pour s'y multiplier par scissiparité. Et le spectacle se renouvelle sur chaque nouveau chantier d'envergure nationale.

Pékin, plus grand chantier de l'histoire, progresse à pas de géant, mais plus on se rapproche de la date des Jeux (du 8 au 24 août), plus la nervosité des représentants de l'ordre public devient perceptible. Les habitants, tout comme les photographes, touristes et professionnels, redoutent par-dessus tout les milices payées (mal) par les promoteurs ou les entreprises. Les alentours du grand chantier de Qianmen, au sud de la place Tiananmen et à proximité du désert engendré par l'éclosion de l'Opéra, sont à cet égard parmi les plus périlleux, même s'ils sont aussi les plus observés par les défenseurs accablés de ce qui reste du vieux Pékin.

Alors que Shanghaï a retrouvé sa maturité culturelle et décidé de protéger quelque 20 km2 des plus beaux quartiers de la ville, les autorités de Pékin n'ont pas pris grand soin des vieux quartiers de la capitale. En mai 2006, le ministre de la culture Sun Jiazheng avait publiquement regretté les destructions dans ce qui restait du vieux Pékin, sans parvenir à freiner l'avancée des bulldozers. Ce n'est que très récemment qu'il a été décidé de stopper des opérations de grande ampleur, à Qianmen comme à Shishahai, au coeur de la ville tartare.

La querelle des anciens et des modernes fait rage dans les coulisses. La reconstruction "à l'identique" du Pékin disparu sera-t-elle le chantier prioritaire de l'après-2008 ?
 
Frédéric Edelmann
Article paru dans l'édition du 08.03.08.

 

Critiquée pour son soutien à Khartoum, la Chine met en avant son "rôle positif" au Darfour

Critiquée pour son soutien à Khartoum, la Chine met en avant son "rôle positif" au Darfour
LE MONDE | 07.03.08 | 14h09 • Mis à jour le 07.03.08 | 14h09

C'est l'"effet Spielberg" : le régime chinois est en train d'engager une contre-offensive diplomatique et médiatique afin de redorer son blason après les dégâts infligés à son image par la décision de Steven Spielberg de renoncer à sa participation aux Jeux olympiques de Pékin (8-24 août). Le cinéaste américain, qui devait y officier comme consultant artistique pour les cérémonies d'ouverture et de clôture, avait justifié, à la mi-février, son geste par l'inaction pékinoise dans les tentatives de règlement de la crise du Darfour, la région occidentale du Soudan théâtre d'une sanglante répression menée par l'armée de Khartoum et ses supplétifs janjawids (cavaliers arabes).

Fidèle soutien du régime soudanais, avec lequel elle a scellé une fructueuse coopération énergétique et militaire, la Chine est de longue date critiquée par des organisations des droits de l'homme pour la responsabilité indirecte qu'elle porte dans les exactions que subissent les populations du Darfour. A l'approche des JO, la pression est montée d'un cran.

Depuis le coup d'éclat de l'icône d'Hollywood, qui a assombri le climat pré-olympique, la diplomatie pékinoise orchestre la riposte. De retour d'une mission au Soudan et au Tchad, l'envoyé spécial chinois pour le Darfour, Liu Guijin, un diplomate de haut rang familier du terrain africain, s'est ainsi efforcé de dissiper, mercredi 5 mars, lors d'une conférence de presse à Paris, les "malentendus" autour de l'attitude de Pékin dans cette crise. Il a longuement insisté sur les efforts déployés par la Chine pour faire avaliser par Khartoum la mise sur pied d'une force hybride de maintien de la paix (Minuad) associant l'Union africaine et les Nations unies. "La Chine a joué un rôle positif pour convaincre le Soudan d'accepter la force hybride", a rappelé Liu Guijin.

Evoquant les difficultés ayant récemment surgi dans la composition de la Minuad, Liu Guijin a précisé avoir "utilisé un langage clair pour convaincre le gouvernement soudanais de faire des concessions" afin d'accélérer le déploiement de cette force de 26 000 hommes dans un contexte de reprise des combats et de nouveaux déplacements de populations.

"CHANGEMENT SIGNIFICATIF"

"La Chine est prête, a-t-il précisé, à une coopération sincère avec les pays occidentaux" pour trouver une "solution pacifique" au Darfour. "Nous ne voulons pas de confrontation avec l'Occident" sur cette question, a-t-il insisté, même s'il a appelé les capitales occidentales à faire davantage pour convaincre les mouvements rebelles de "retourner à la table des négociations".

L'approche plus constructive de la Chine est de plus en plus reconnue. "Nous avons constaté un changement significatif au cours des douze derniers mois", estime Colin Keating, directeur executif de Security Council Report, une ONG qui suit les travaux du Conseil de sécurité. Mais cette évolution a ses limites. "En dépit de quelques "coups de pouce"", tempère un diplomate du Conseil de sécurité, la Chine "a toujours prôné le dialogue avec Khartoum". Une résolution du Conseil de sécurité menaçant le Soudan de frapper son secteur pétrolier serait par exemple exclue. "Le veto chinois est dans tous les esprits", explique le diplomate.

Les intérêts pétroliers de la Chine au Soudan - les actifs de la China National Petroleum Corporation (CNPC) s'y chiffreraient à 7 milliards de dollars - sont en effet trop précieux pour que Pékin s'offre le luxe d'une crise grave avec Khartoum. Illustration des limites des pressions de Pékin : la Chine a bloqué, le 7 décembre 2007, un projet de déclaration du Conseil de sécurité qui aurait exhorté le gouvernement soudanais à coopérer avec la Cour pénale internationale (CPI).

Frédéric Bobin (avec Philippe Bolopion à New York)
Article paru dans l'édition du 08.03.08.

 

La Chine affirme avoir déjoué un projet d'attentat visant les Jeux olympiques

La Chine affirme avoir déjoué un projet d'attentat visant les Jeux olympiques
LEMONDE.FR avec AFP, Reuters et AP | 09.03.08 | 12h41 • Mis à jour le 09.03.08 | 13h19


REUTERS/CLARO CORTES IV
Un délégués de la province du Xinjiang lors de la séance annuelle du parlement chinois, le 9 mars à Pékin.


Les autorités chinoises ont annoncé, dimanche 9 mars, avoir déjoué un projet d'attentat contre les prochains Jeux olympiques de Pékin organisé par des séparatistes ouïgours de la province du Xinjiang, une région musulmane dans le nord-ouest du pays. Cité par les médias officiels chinois, Wang Lequan, chef du Parti communiste local, assure qu'un raid mené le 27 janvier 2007 à Urumqi, capitale de la province, a permis de récuperer du matériel qui laissait penser que "le groupe avait prévu un attentat visant les Jeux olympiques".

"Les Jeux olympiques prévus en août sont un événement important, mais il se trouve toujours des personnes qui conspirent pour saboter. Ce n'est plus un secret maintenant. Leur objectif était très clair, à savoir nuire aux Jeux de Pékin", a ajouté M. Wang devant la presse, en marge d'une réunion du Parti communiste.

Lors de l'intervention en fin janvier, Pékin avait indiqué avoir "abattu" deux membres d'un "gang terroriste" et en avoir arrêté quinze autres, sans évoquer de liens avec les JO. M. Wang a affirmé que le groupe séparatiste avait des liens au Pakistan et en Afghanistan avec Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM), un groupuscule indépendantiste dont Pékin a obtenu, en août 2002, qu'il soit désigné par les Nations unies comme une organisation terroriste liée à Al-Qaida.

Huit millions de Ouïghours musulmans vivent au Xinjiang, où la présence démographique et économique croissante des Han, l'ethnie majoritaire en Chine, est mal perçue. Cette région, riche en pétrole, est limitrophe du Pakistan, de l'Afghanistan et de l'Asie centrale. Les séparatistes ouïghours veulent y créer un Etat indépendant, le Turkestan oriental.



Pékin fait état d'un détournement d'avion raté

Les séparatistes ouïgours pourraient également être à l'origine d'un détournement d'avion raté, selon un haut responsable chinois du Xinjiang. Nuer Baikeli, gouverneur de la province, a affirmé, dimanche, que le vol CZ6901 de la compagnie China Southern, qui avait décollé d'Urumqi à destination de Pékin, a atterri en urgence, vendredi, à Lanzhou après que l'équipage a découvert et déjoué une tentative visant à "provoquer une catastrophe aérienne"."Quelles étaient les personnes impliquées dans cet incident, d'où venaient-elles, quel était leur objectif et leur passé, c'est ce sur quoi nous enquêtons actuellement", a-t-il ajouté, sans donner davantage de précisions. Pour l'agence officielle de presse Chine nouvelle, les autorités "ont déjoué un projet d'attentat terroriste". (avec AFP et Reuters)

 

Tour de vis chez les Ouïgours

Tour de vis chez les Ouïgours
LE MONDE | 18.12.07 | 14h15 • Mis à jour le 09.03.08 | 12h36
XINJIANG ENVOYÉ SPÉCIAL


AFP/FREDERIC BROWN
De jeunes Ouïgours en 2003 à Kashgar, dans le Xinjing. Pékin met en avant la pauvreté de cette région pour justifier sa reprise en main.


Appelons-le monsieur A. Visage glabre, cheveux courts, le pantalon maintenu bien haut par un ceinturon, la sacoche à la main : jusqu'à la démarche chaloupée, il possède tous les signes extérieurs de l'apparatchik chinois. Il est membre du Parti et il occupe une fonction officielle au sein du gouvernement de Kachgar (Kashi en chinois), la principale ville des confins occidentaux du Xinjiang. M. A (il refuse que son identité soit divulguée) est un Ouïgour qui n'a pas que des amis chez lui. Dès son entrée dans la tchaïkhana (salon de thé) de la vieille ville où on lui a donné rendez-vous, son apparition jette un froid parmi les habitués.

Et pour cause, il fait partie des rares Ouïgours résolus à aider le gouvernement de Pékin dans son entreprise de sinisation du Xinjiang, et notamment du sud-ouest de la province, autrefois une région clé de la Route de la soie et aujourd'hui tenue pour un bastion du sentiment antichinois. C'est là, dans ce Far West chinois, que vivent les trois quarts des 8,5 millions d'Ouïgours. Musulmans et turcophones, ils représentent 90 % de la population de cette contrée engourdie dans son sous-développement. Pékin s'est mis en tête de la désenclaver, à l'image du reste du Xinjiang, région autonome où les Chinois hans sont devenus majoritaires - leur proportion est passée de 7 % en 1949 à près de 50 % aujourd'hui dans l'ensemble du Xinjiang.

"Comprenez bien, explique M. A, dans un comté comme celui de Yarkand (dont Kachgar est la préfecture), 90 % de la population est paysanne et fait vivre 10 % d'urbains. Il n'y a pas d'usines. Ce type de modèle économique doit changer. Les gens ont tous des capacités d'adaptation." Pour échapper aux regards de ses compatriotes ouïgours, notre interlocuteur a préféré poursuivre la conversation dans un restaurant de la partie chinoise de la ville, avec des serveurs en costume et un orchestre traditionnel. C'est ici qu'il doit justement régaler, un peu plus tard, une délégation d'officiels de Shanghaï.

C'est qu'on se presse de toute la Chine dans cette province éloignée où aboutit la route des oasis, celle qui contourne le désert du Taklamakan par le sud, pour relier Hotan (ou Khotan) à Khargilik, puis Kachgar. Partout, les nouveaux quartiers chinois, construits à la va-vite, alignent les boutiques aux façades carrelées, les succursales de grandes banques et les officines de téléphonie mobile. Derrière ce décor ingrat, au bout de ruelles en terre battue, se cachent des villes anciennes, tout entières faites de pisé.

A Kachgar, une large banderole qui barre l'un des boulevards centraux voudrait faire de la ville le futur "centre de gravité économique d'Asie centrale". "On veut faire venir toutes sortes d'entreprises pour fabriquer ici et exporter", indique M. A. Il décrit avec application les succès de la foire de Kachgar, ses milliers de visiteurs chinois et étrangers, ou encore les projets d'agrandissement de l'aéroport, qui sera relié en 2008 à Islamabad, au Pakistan, et à 17 provinces chinoises - la seule liaison actuelle étant Urumqi, la capitale du Xinjiang.

Le fonctionnaire territorial s'épanche sur le dispositif imaginé par les cadres du parti pour réduire la pauvreté : l'envoi de contingents de jeunes Ouïgours, en majorité des filles, dans des usines de la Chine côtière. "Chaque comté est responsable de cette main-d'oeuvre auprès des entreprises. Il paie les assurances, le voyage et pour chaque groupe, un cuisinier et deux traducteurs", explique-t-il. Selon lui, les filles pourront revenir travailler au Xinjiang, plus tard. Il serait même prévu que le comté donne des terrains aux entreprises pour qu'elles créent des usines sur place.

Ce programme aurait été lancé à grande échelle en 2006, selon un autre officiel du Parti, interrogé, lui, au téléphone. "Deux mille jeunes filles du comté de Yarkand ont déjà été envoyées dans le Shandong et à Tianjin (Chine côtière). Il y en aura 6 000 en 2007. On leur donne une formation de base, puis elles sont payées 80 euros par mois", assure-t-il.

A Kargilik, à 300 km à l'est de Kachgar, des habitants racontent que des recruteurs font du porte-à-porte, photos d'usines à la main, et que 80 filles travaillent déjà à Tianjin, près de Pékin. Un jeune artisan de Karavach, à une trentaine de kilomètres de Kachgar, où l'on fabrique des poignards de père en fils, confirme qu'une dizaine de filles de son hameau sont déjà parties, et il estime à 80 le nombre de celles qui ont quitté le village.

Au Xinjiang, beaucoup d'Ouïgours "considèrent cette politique comme la plus humiliante jamais conduite par les autorités chinoises", a récemment déclaré à Washington, devant le Congrès américain, la dissidente Rebiya Kadeer, figure de proue de l'opposition ouïgoure en exil. Pour l'ONG Uyghur Human Rights Project, basée elle aussi à Washington et liée à Mme Kadeer, cette politique place Pékin en flagrant délit d'"assimilation forcée" : l'ONG dénonce les dangers de cette politique qui installe un groupe déjà vulnérable, car mal intégré et discriminé, dans un rapport de forces défavorable. "Les autorités locales font montre de zéro tolérance envers toute opposition", affirme Mme Kadeer, qui fut emprisonnée en Chine de 1999 à 2005. D'après les témoignages recueillis par l'ONG, des officiels soucieux de remplir leurs quotas auraient forcé des familles à enrôler leurs propres filles. Dans les usines, les salaires seraient inférieurs aux niveaux annoncés. Dans un cas, les ouvrières ouïgoures auraient été séquestrées.

L'objectif du plan quinquennal conduit par Pékin serait, d'après cette ONG, de transférer jusqu'à 240 000 ouvriers du Xinjiang : ces petites mains ouïgoures sont censées renvoyer une partie de leur salaire vers les campagnes, à l'instar des quelque 150 millions de paysans-ouvriers chinois. Mais ceux-là ont au moins la liberté de décider où s'employer et de démissionner. Une option toute relative pour ces jeunes femmes. "On manque de main-d'oeuvre. Elles, elles sont faciles à gérer : elles ne parlent pas chinois, craignent pour leur sécurité et ne vont donc pas faire de shopping ! En plus, elles ne changent pas souvent de travail", justifie candidement le responsable de la NingboYageer, une usine de confection qui dit avoir accueilli 400 jeunes filles dans le Zhejiang, une province voisine de Shanghaï.

Après cinquante-sept ans de sinisation du Xinjiang, Kachgar et sa région donnent l'impression d'être repliés sur leurs traditions. On y pratique l'islam - ici de tradition soufie, modéré - sous la haute surveillance d'imams choisis par le régime. Certes, toute une nouvelle classe d'âge a eu accès à l'éducation. Mais les jeunes Ouïgours qui ont fait des études, souvent seuls à parler mandarin dans leur famille, disent se heurter à un plafond de verre.

Dans la minuscule boutique qu'il a ouverte à Yarkand pour vendre des ordinateurs, Alim (nom d'emprunt), qui a 22 ans et parle parfaitement anglais, ne cache pas sa colère face aux mille et une frustrations résultant du joug chinois et demande plusieurs fois comment on peut l'aider à partir travailler à l'étranger. Quand on repassera le voir à l'improviste, le lendemain, il avouera que la police l'a emmené au poste le matin même et interrogé deux heures durant. "Vous voyez, simplement pour avoir parlé à des étrangers dans ma boutique !", soupire-t-il.

Depuis la fin des années 1990, et surtout depuis 2001, les campagnes menées au nom de la lutte antiterroriste se succèdent dans le Xinjiang, sous forme de vastes rafles. L'ONG Human Rights in China (HRIC) a publié en 2005 un rapport sur cette répression cachée. Ce tour de vis fait apparaître les Chinois en colonisateurs pilleurs de ressources : avec ses richesses en hydrocarbures et ses nouvelles autoroutes, le Xinjiang est au 13e rang des provinces chinoises pour son PIB. Pourtant, à Urumqi, la capitale (2 millions d'habitants dont 75 % de Chinois hans), à 1 000 km au nord-est de Kachgar, tous les jeunes Ouïgours ne sont pas insensibles à la dynamique de la croissance chinoise. Pour eux, la Chine incarne la modernité : "Ma famille se plaint que je ne respecte pas assez les traditions. Les jeunes ici touchent à l'alcool, à la marijuana, il y a des filles...", dit Mohammed, le seul de sa famille à avoir fait des études à l'université. "Avec les bonnes compétences, on peut trouver du travail à Urumqi, quelle que soit sa nationalité. C'est comme New York", poursuit-il, tout en reconnaissant que ses options sont limitées : diplômé de sciences physiques, il n'a pas souhaité devenir enseignant car "il y a trop de restrictions" - il est interdit de pratiquer l'islam.

Mohamed est guide touristique et rêve de se mettre à son compte. L'un de ses amis ouïgour a créé un cabinet d'expert-comptable. Un autre fait du commerce de textile avec les pays d'Asie centrale, mais il n'a pas la possibilité de voyager : alors que la Chine investit à tours de bras dans les réseaux de transport qui la lient à ses voisins (Kirghizstan, Kazakhstan, Tadjikistan, Pakistan), les autorités de Pékin n'autorisent qu'au compte-gouttes les voyages des Ouïgours pour éviter qu'ils se rendent à La Mecque en transitant par des pays tiers. En 2006, des pèlerins ouïgours avaient manifesté devant l'ambassade d'Arabie saoudite au Pakistan pour obtenir leur visa. Impossible que cela se reproduise cette année : les passeports sont confisqués. A l'heure de la pax sinica, la nouvelle route de la soie sera chinoise ou ne sera pas.
 
Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 19.12.07.

 

Dans le Xinjiang musulman, la police chinoise renforce le contrôle autour des mosquées

Dans le Xinjiang musulman, la police chinoise renforce le contrôle autour des mosquées
LE MONDE | 28.08.07 | 14h44 • Mis à jour le 09.03.08 | 12h42
KACHGAR (XINJIANG) ENVOYÉ SPÉCIAL

AFP/FREDERIC J. BROWN
Des fidèles prient dans une mosquée de Kachgar dans la province chinoise du Xinjiang, le 15 octobre 2006.


Avec son labyrinthe de ruelles aux parois de pisé et ses minarets de brique, le vieux Kachgar n'a, en apparence, rien à envier aux plus beaux sites d'Asie centrale. Nombre de femmes portent le foulard et certaines le châle marron traditionnel qui, posé sur la tête, recouvre l'intégralité du visage. On ne sert pas d'alcool dans les restaurants musulmans et, si l'on n'entend nulle part le muezzin, les mosquées sont nombreuses. On est ici à l'extrémité occidentale de la région autonome ouïgoure du Xinjiang, à quelques heures des frontières pakistanaise et kirghize. La population est ouïgoure (autochtone musulmane et turcophone) à près de 90 % autour de Kachgar, bien plus que dans le reste du Xinjiang, où les 9 millions de Hans (Chinois) constituent près de 45 % de la population, à la faveur de vagues d'immigration récentes.

En apparence, donc, tout va pour le mieux à "Kachi" (Kachgar, en chinois), où des banderoles célèbrent "l'union des peuples de Chine" et "la grande famille de la patrie". En y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'il n'en est rien. La ville chinoise, avec ses hôtels, ses supermarchés et ses barres d'immeubles, gagne chaque jour du terrain sur l'habitat traditionnel. Les aménagements, faits à la hussarde, font grincer des dents. Devant la grande mosquée Id Kah, on a fait table rase, supprimant toutes les vieilles échoppes pour construire des magasins dans un simili style oriental. "Restez quelques heures devant l'écran vidéo géant planté sur la place et vous comprendrez tout. Il fait tellement de bruit que ça gêne la prière. Bientôt, il y en aura un autre juste devant la mosquée, puis dedans, et ensuite ? On la fermera !", s'emporte un homme d'une quarantaine d'années.

PASSEPORTS CONFISQUÉS

On ne parle à un étranger que dans un endroit sûr, après avoir été mis en confiance : toute critique de la domination chinoise est ici taboue en public. Les méthodes de la sécurité d'Etat, obsédée par un péril "séparatiste" qu'alimenterait le particularisme religieux, instillent une véritable paranoïa. "Avant, ils arrêtaient les gens de l'âge de mon père. Cette année, ce sont les jeunes, ceux qui parlent anglais. C'est à cause des Jeux olympiques (à Pékin, en 2008). Tout est contrôlé", estime un jeune Ouïgour qui a subi son premier interrogatoire après avoir été engagé dans un café tenu par des étrangers... vite fermé. Les interrogatoires ont parfois lieu dans une arrière-salle d'un des deux principaux hôtels pour touristes étrangers de Kachgar, le Chini Bagh et le Seman, construits sur les sites des anciens consulats britannique et russe, réminiscence du "grand jeu" qui, au début du XXe siècle, avait fait de Kachgar un nid d'espions.

Nombre de jeunes Ouïgours qui travaillent dans le tourisme ou dans des petits commerces ont fait des études ou appris l'anglais en cours du soir. Ils ont parfois la possibilité d'être professeur ou instituteur, mais choisissent le privé. "Je suis musulman, je veux pouvoir prier et, pour cela, il faut être dans le privé, sinon c'est interdit", dit un jeune. "C'est naturel, les gens sont de plus en plus religieux", explique un autre interlocuteur. A Yarkand, le vendredi, des milliers d'hommes se tiennent droit, silencieux, sur la place en pleins travaux de la mosquée, jusqu'à ce qu'une camionnette passe avec un haut-parleur et leur ordonne de se disperser.

La pratique de l'islam est ici sous haute surveillance. En plein été, les enfants doivent tous venir à l'école le vendredi de 11 heures à 13 heures, au moment de la grande prière, nous confirme le directeur d'une des écoles de Yarkand, pour ne pas être "influencés". Les mosquées sont d'ailleurs interdites aux moins de 18 ans et, en dehors des plus grandes, ne sont ouvertes qu'à l'heure de la prière. "L'imam, c'est la personne la plus contrôlée au Xinjiang, dit un Ouïgour. Il est nommé par le gouvernement et doit suivre des cours d'éducation politique."

Alors que, dans le reste de la Chine, la pratique clandestine du catholicisme et du protestantisme est, malgré une répression réelle, largement tolérée, toute réunion religieuse, toute tentative d'enseigner le Coran à des jeunes conduit ici à des arrestations immédiates. Par an, seules quelques centaines de personnes âgées de 50 à 70 ans peuvent se rendre à La Mecque, dans le cadre de voyages organisés. Mais, depuis quelques mois, tous les passeports seraient confisqués.

"Je veux aller à La Mecque. J'ai l'argent, mais c'est interdit. Croyez-vous que je puisse vivre dans ce pays ?", s'indigne l'un de nos jeunes interlocuteurs. "Kachgar devient comme Lhassa (Tibet), souligne un chercheur occidental. On y pratique une politique de contrôle absolu, sans discernement, dont on a l'impression qu'elle ne peut conduire qu'au ressentiment de la population locale."

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 29.08.07.
 
 

2008年3月7日金曜日

La Chine vigilante face aux risques de surchauffe économique

La Chine vigilante face aux risques de surchauffe économique
LEMONDE.FR avec AFP | 05.03.08 | 08h51 • Mis à jour le 05.03.08 | 09h58


REUTERS/ARND WIEGMANN
Trente ans après l'ouverture au monde de la Chine, six ans après son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce, son "économie se trouve de plus en plus liée à celle du monde", a souligné Wen Jiabao, le premier ministre chinois.



Prise entre les risques de surchauffe de son économie et les craintes générées par un contexte mondial porteur d'"incertitudes", la Chine a annoncé, mercredi 5 mars, un objectif de croissance très prudent de 8 %. Sous la pression accrue des défis sociaux qui l'attendent, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a également promis à l'ouverture de la session annuelle du Parlement la mise en place d'un gouvernement plus efficace pour une société plus juste.

Le premier ministre de 65 ans, qui doit se voir confier un nouveau mandat de cinq ans lors de cette session de deux semaines, a accordé un satisfecit à l'action gouvernementale. La Chine, a-t-il relevé, est passée de la 6e à la 4e place dans l'économie mondiale de 2002 à 2007. Pour 2008, la priorité sera de soutenir cette croissance tout en évitant la surchauffe afin de lutter contre l'inflation, qui rogne le pouvoir d'achat des moins favorisés et nourrit le mécontentement.

CONTRÔLER L'INFLATION

Trente ans après l'ouverture au monde de la Chine, six ans après son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce, son "économie se trouve de plus en plus liée à celle du monde", a souligné Wen Jiabao. La hausse des cours mondiaux des matières premières et produits agricoles fait ainsi peser un risque inflationniste, tandis que la crise des subprimes et le ralentissement de l'économie mondiale incitent Pékin à soutenir sa croissance.

"La tâche primordiale du contrôle macro-économique consistera à empêcher une croissance trop rapide de se transformer en surchauffe et qu'une hausse structurelle des prix ne dégénère en inflation", mais il faudra être vigilant "pour maintenir un rythme de développement à la fois rapide et régulier [...] face à l'incertitude de la situation économique intérieure et extérieure", a-t-il résumé.

L'objectif de croissance de 8 %, le même que celui fixé ces dernières années, est systématiquement dépassé (+ 11,4 % en glissement annuel l'an dernier). L'année 2008 ne devrait pas faire exception : "Non seulement le but de 8 % sera atteint mais il devrait même être dépassé avec une croissance de 9,5 %", estime ainsi Sun Mingchun, économiste de Lehman Brothers. Le taux d'inflation de 4,8 % connu en 2007, le plus fort en onze ans, pourrait lui aussi être dépassé.

25,5 MILLIARDS D'EUROS POUR LA PROTECTION SOCIALE

Pour relever ces défis, Wen Jiabao s'est également engagé à poursuivre la réforme de l'Etat, avec un gouvernement plus efficace, moins corrompu et plus à l'écoute de la population, dont l'immense majorité est écartée de la vie politique, sous la coupe du parti unique. "Il faudra généraliser la démocratie populaire, parfaire le système démocratique, et multiplier les formes et les canaux démocratiques", a avancé le chef du gouvernement.

Wen Jiabao a également annoncé des efforts budgétaires dans les domaines du social et de l'éducation pour améliorer les conditions de vie de la population, sur fond d'inégalités croissantes. Il a ainsi promis le déblocage d'une enveloppe de 276,2 milliards de yuans (25,5 milliards d'euros), en hausse de 20 % par rapport à 2007, "pour accélérer la mise en place d'un système de protection sociale" en Chine.




Wen Jiabao veut une armée plus puissante

Le renforcement de la défense nationale en Chine est une tâche "d'importance stratégique", a indiqué mercredi 5 mars le premier ministre chinois Wen Jiabao. "Renforcer l'édification de la défense nationale et des forces armées constitue une tâche d'importance stratégique pour la construction du socialisme à la chinoise", a-t-il déclaré devant le parlement.

Mardi, le porte-parole du parlement avait annoncé une hausse de 17,6% des dépenses militaires en 2008, à un peu plus de 57 milliards de dollars.

Après le président Hu Jintao mardi, le premier ministre a de nouveau mis en garde contre les tentatives sécessionnistes de Taïwan : "Nous demeurerons intransigeants dans la lutte contre les activités de sécession visant à l''indépendance de Taïwan' et nous ne permettrons jamais que Taïwan soit soustrait à la Chine".

 

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