2007年7月28日土曜日

Pékin se félicite du rejet de la candidature taïwanaise à l'ONU

Pékin se félicite du rejet de la candidature taïwanaise à l'ONU
LE MONDE | 27.07.07 | 15h56 • Mis à jour le 27.07.07 | 15h56
PÉKIN CORRESPONDANT



AP
Le chef de l'Etat taïwanais Chen Shui-bian avait signé une requête, le 20 juillet, pour que Taïwan intègre officiellement les Nations Unies.

La Chine a qualifié de "grotesque" la tentative avortée de Taïwan de devenir membre de l'ONU, se félicitant, mardi 24 juillet, par la voix de son ambassadeur aux Nations unies, de cet échec des "forces séparatistes" à l'oeuvre dans l'île "rebelle".

Le chef de l'Etat taïwanais, Chen Shui-bian, avait formellement proposé la semaine dernière au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, d'intégrer l'ONU sous le nom de"Taïwan" et non plus sous l'actuelle dénomination de " République de Chine". La proposition a été rejetée, la République populaire de Chine étant, depuis son intégration à l'ONU en 1971, considérée comme "la seule représentation légale de la Chine".

L'affaire ne se limite pas à une simple question de sémantique. Depuis la défaite des troupes du Kuomintang de Tchang Kaï-chek, en 1949, et leur fuite à Taïwan, celle-ci est politiquement souveraine. Mais la communauté internationale accepte, dans son ensemble, le tortueux concept d'"une seule Chine" imposée par Pékin pour empêcher que l'île ne déclare formellement son indépendance. Il s'agit de garantir un étrange statu quo permettant à la fois à la République populaire d'affirmer l'unité des "deux rives" du détroit de Taïwan et au reste du monde de reconnaître la souveraineté de facto de l'île... En tentant d'imposer le vocable "Taïwan" et d'affirmer la singularité identitaire de son pays, le président taïwanais a irrité les hiérarques de la capitale impériale pour laquelle pareille provocation peut devenir un casus belli.

M. Chen s'est indigné, dans sa lettre au secrétaire général de l'ONU, que la communauté internationale dédaigne les efforts "des 23 millions de Taïwanais qui professent les valeurs universelles de la liberté, de la démocratie, des droits de l'homme et de la paix". Sous entendu : pas comme "les autres", les Chinois de l'autre côté du détroit... C'était la quinzième fois que la demande par les autorités de Taïpeh de devenir membre de l'ONU était rejetée, mais l'inclusion du nom "Taïwan" marque une rupture avec le passé.

Depuis son élection à la tête de la "République de Chine", le chef de l'Etat taïwanais n'a eu de cesse de faire pencher la balance vers une plus grande affirmation de l'identité de son pays, tout en se gardant de franchir le cap d'une déclaration formelle d'indépendance. A peine a-t-il fait inclure le mot "Taïwan" en remplacement du mot "Chine" dans la dénomination de la Poste...

Sa dernière gesticulation concerne la réécriture des manuels d'histoire pour les écoliers. Le 22 juillet, le ministère de l'éducation taïwanais a fait savoir qu'il réfléchissait au moyen de bientôt supprimer dans ses manuels 5 000 mentions "inappropriées" entretenant la "confusion" entre les cultures chinoise et taïwanaise... En mai 2008, Chen Shui-bian se retirera des affaires et entend "taïwaniser" à tous crins avant de céder la place à un successeur qui risque d'être moins travaillé par les questions identitaires...

Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 28.07.07.

 

Les inondations ont causé la mort de plus de 500 personnes en Chine

Les inondations ont causé la mort de plus de 500 personnes en Chine
LEMONDE.FR | 26.07.07 | 19h32 • Mis à jour le 26.07.07 | 19h32








 

2007年7月22日日曜日

Sang de plomb à Xinsi

Sang de plomb à Xinsi
LE MONDE | 20.07.07 | 15h00 • Mis à jour le 20.07.07 | 15h00
XINSI (CHINE) ENVOYÉ SPÉCIAL


AFP
Une famille intoxiquée par le plomb dans un hôpital à Xian, dans la province chinoise du Shaanxi, le 7 septembre 2006.

Avec ses collines verdoyantes et ses maisons de briques ou de terre, le village de Xinsi, dans le sud de la province du Gansu, est riant sous le soleil de juillet. Ils sont une vingtaine de parents à s'être rassemblés dans la maison de la famille Zhou pour raconter le mal qui ronge leurs enfants : les dents qui poussent noires et trop tard, les douleurs autour du nombril et aux genoux, les migraines et les vertiges. Des maux supportables s'ils ne portaient en eux un sinistre présage : tous, ici, savent désormais que le plomb affecte le cerveau et les organes des enfants au-delà de 100 microgrammes par litre de sang, seuil d'une maladie appelée saturnisme.

Ils tendent les feuilles d'analyse des laboratoires. Les taux, à Xinsi, Mouba et dans les villages alentour, où vivent environ 5 000 personnes, sont compris entre 300 et 800 microgrammes par litre de sang. Des proportions suffisantes pour endommager le système nerveux des enfants, provoquer de l'anémie ou même des encéphalites mortelles. Zhou Men, 13 ans, dont les certificats d'excellence recouvrent le mur de la salle à manger, a une plombémie (taux de plomb dans le sang) de 395. "Elle était première de sa classe. Elle a du mal à suivre et n'est plus que cinquième", dit Wang Shuhong, sa mère. Chez Guo Longbo, un jeune de 17 ans, plutôt chétif, le taux est de 686. Lui aussi se plaint de trous de mémoire. Un père de 35 ans, Bai Zhiqiang, raconte comment son fils est né avec une malformation cardiaque. Il est mort en octobre 2006, à dix-huit mois, avec une plombémie de 619. "Le médecin nous a dit que c'était lié à l'intoxication au plomb, mais qu'il ne pouvait pas l'écrire", dit l'homme, qui a englouti ses économies dans les opérations tentées pour sauver l'enfant. Il pétitionne auprès du gouvernement local pour qu'on lui rembourse les frais médicaux - et pour le droit d'avoir un autre enfant.

Depuis des années, les paysans se plaignaient des poussières noires qui recouvrent les potagers et font dépérir les plants de soja. "Nos légumes se vendaient mal dans le coin, les gens étaient soupçonneux. On n'imaginait pas qu'il y avait un impact sur la santé", dit Zhou Yongjie. En compensation, la communauté recevait 10 000 yuans (1 000 euros) par an du directeur des deux fonderies de minerai de plomb situées à l'entrée du village, non loin de l'école primaire. Elles fonctionnaient jour et nuit. Une quinzaine de villageois y travaillaient - les fonderies employaient surtout des migrants venus d'ailleurs. "On portait un masque tout simple et un casque de chantier. On devait faire une prise de sang par an. On partait quelquefois en cure, et ceux qui avaient des problèmes au foie et aux reins n'étaient pas rembauchés. Mais on n'a jamais su quel taux de plomb on avait", dit Zhao Baozhong, qui y a travaillé pendant neuf ans.

Les paysans se rendront compte de manière accidentelle que la pollution les a empoisonnés : en mars 2006, les Zhou emmènent d'urgence leur fils, Zhou Hao, 5 ans, dans un hôpital de Xian, la capitale de la province voisine du Shaanxi, à sept heures de route, car il s'est électrocuté en touchant un transformateur non protégé.

Le médecin s'alarme de découvrir autant de plomb dans le sang de l'enfant, qui supporte difficilement les opérations chirurgicales et cicatrise mal. Il sera amputé d'un bras. Pour les parents, le plomb est un moindre mal. Mais quand ils ramènent en août l'enfant au village, ils en parlent aux villageois qui se rendent tous à Xian se faire examiner. Onze enfants doivent alors être hospitalisés d'urgence. De colère, les villageois détruiront la route qui mène à l'usine.

La presse du Shaanxi s'intéresse à l'affaire, qui sera ensuite reprise par les médias nationaux, prompts à sonner l'alarme en matière de pollution : les fonderies, filiales de la Gansu Luo Ba, un groupe d'Etat passé, en 2005, aux mains du privé, sont fermées. Des dépistages sont organisés à Huixian, la capitale du district, grâce à l'argent reçu de la liquidation des usines. Quelque 300 enfants sont de nouveau testés, avec des résultats similaires.

Une enquête est ouverte auprès de responsables de l'agence locale de l'environnement, ainsi que du parti - qui finiront par être sanctionnés en mars. Enfin, 180 enfants de moins de 14 ans ont droit à une cure de vingt jours à Huixian, à l'automne 2006, puis sont renvoyés chez eux avec de petits sachets de vitamines à 1 yuan (0,10 euro).

Depuis décembre, les villageois sont abandonnés à leur sort : "Nous devons acheter nous-mêmes des suppléments nutritifs pour les enfants, qui coûtent 30 yuans la boîte (3 euros). Le spécialiste de Xian avait prévenu qu'ils devaient rester hospitalisés", dit Wang Shuhong, la mère de Zhou Hao. Surtout, les autorités ne reconnaissent plus les tests effectués à l'extérieur du Gansu. Au lieu des analyses détaillées des laboratoires, les paysans ne reçoivent désormais plus qu'un avis de l'administration mentionnant la dose de plomb dans le sang. "Nous n'avons plus confiance", poursuit Wang Shuhong qui, en retournant à Xian, a découvert que la plombémie de son fils était deux fois plus élevée que celle établie à Huixian en décembre. Elle a dû y faire les tests à ses frais - les Zhou ont reçu une indemnité non pour l'intoxication au plomb, mais pour l'électrocution de leur enfant, de la part du fabricant du transformateur.

Les villageois dénoncent les tentatives des pouvoirs locaux, une fois l'affaire jugée classée à Pékin, de circonscrire à quelques villages de pestiférés un mal qui serait bien plus généralisé. Plusieurs villages ont reçu l'interdiction formelle de se faire tester. A Huixian, les unités de travail préviennent les gens qu'ils seront licenciés s'ils font des analyses. "C'est loin et cher d'aller à Xian, personne ne le fait", dit Li Jianzhong, un habitant du village voisin de Mouba qui a pris en main la défense des paysans et estime que près de 10 000 personnes ont une plombémie supérieure à 200 dans la zone.

Plusieurs mines de plomb et fonderies sont encore en activité autour de Huixian, qui est à quelques kilomètres à peine de Xinsi. Parce qu'elles recèlent des métaux rares (nickel, zinc, or et plomb) les terres du Gansu sont soumises à une exploitation intensive, le plus souvent pour le compte de sociétés détenues par des officiels reconvertis - comme ce fut le cas pour le patron de la Gansu Luo Ba, dont un autre groupe, le Gansu Baohui, a déjà repris les activités dans ses propres fonderies. A Xinsi, les habitants n'ont jamais eu voix au chapitre dans les affaires qui les concernent : "Les chefs de village sont tous désignés par les leaders du parti. Il y a eu un scandale, donc ils se tiennent tranquilles et attendent de voir si on a des compensations. Leur mentalité est ignoble", s'emporte Bai Zhiqiang.

Contactés par le Centre d'assistance légale aux victimes de la pollution (CLAPV), une ONG de Pékin, les villageois de Xinsi placent leurs espoirs dans un procès en nom collectif. Le Centre, qui cherche des cas exemplaires, capables de faire jurisprudence, a conduit plusieurs groupes de plaignants à des victoires le plus souvent symboliques. "Ce n'est pas facile car nous avons très peu de moyens, prévient Wang Fengjun, l'avocat qui suit l'affaire. Le gouvernement local met des obstacles à nos recherches sur place, et puis il n'y a pas de réglementation sur les montants des réparations dans ce genre de cas en Chine."

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 21.07.07.

Le "traître" Lin Biao, ex-successeur désigné de Mao, réhabilité à Pékin

Le "traître" Lin Biao, ex-successeur désigné de Mao, réhabilité à Pékin
LE MONDE | 19.07.07 | 14h19 • Mis à jour le 19.07.07 | 14h19
(Pékin, correspondant)

Trente-six ans après sa mort dans un mystérieux accident d'avion en Mongolie, le maréchal Lin Biao réapparaît à Pékin. A l'occasion d'une exposition organisée pour marquer le 80e anniversaire de l'Armée populaire de libération, au musée militaire de la capitale, le portrait du "traître", conspué lors d'un procès posthume en 1981 pour ses "activités contre-révolutionnaires", a été accroché aux côtés des neuf autres maréchaux fondateurs des forces chinoises.

La réapparition du visage d'un homme dont les manuels scolaires retiennent surtout son rôle dans un "complot" visant à assassiner Mao Zedong et à renverser le régime vaut-elle réhabilitation ? Le Quotidien du peuple observe en tout cas que Lin Biao a été "ressuscité en tant que héros militaire" d'une façon "rarement vue" depuis sa mort, en septembre 1971. La très officielle agence de presse Chine nouvelle cite de son côté un chercheur chinois, expert auprès du musée : "Nous avons décidé en toute objectivité de montrer le portrait de Lin Biao", explique Jiang Tingyu,avant d'ajouter : "Il faut montrer l'Histoire telle qu'elle est." Le commentaire n'est pas dépourvu d'intérêt dans un pays où le régime s'échine à ne pas évoquer le passé tel qu'il a été ou à le réécrire...

Lin Biao a été longtemps loué par l'appareil de propagande du Parti comme un officier brillant ayant joué un rôle-clé contre les envahisseurs japonais et lors de la guerre civile contre les troupes de Tchang Kaï-chek. Nommé ministre de la défense en 1959, le général, élevé ensuite au rang de maréchal, est désigné comme successeur de Mao lors du 9e congrès du Parti communiste, dix ans plus tard.

Mais les ambitions de son héritier finissent par inquiéter le Grand Timonier. Dans le contexte houleux de la révolution culturelle, Lin Biao perd peu à peu ses alliés, victimes de purges préparant sa débâcle. Le reste appartient à l'Histoire : la version officielle raconte que, le 13 septembre 1971, le maréchal s'enfuit de Pékin à bord d'un avion Trident qui s'écrase peu après en Mongolie.

Rien ne permet encore, à ce jour, de savoir ce qui s'est réellement passé. Et l'on se perd en conjectures quant aux motifs d'une possible "réhabilitation" posthume. Un journaliste d'une publication proche du Parti avance cette explication : "Nos dirigeants sont désormais enclins à faire face aux réalités historiques. Lin Biao en fait partie."
Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 20.07.07.

La Chine devient la troisième puissance économique mondiale

La Chine devient la troisième puissance économique mondiale
LE MONDE | 19.07.07 | 11h26 • Mis à jour le 19.07.07 | 11h26
PEKIN, CORRESPONDANT



AP/Greg Baker
Ouvriers dans une zone résidentielle en construction à Pékin, le 19 avril 2007.

La Chine est devenue théoriquement la troisième puissance économique du monde. Après avoir dépassé en 2005 la France et le Royaume-Uni, elle a détrôné l'Allemagne et se trouve maintenant derrière le Japon et les Etats-Unis. Le produit intérieur brut (PIB) chinois devrait dépasser cette année 3 100 milliards de dollars (2 246 milliards d'euros) contre moins de 3 000 milliards pour celui de l'Allemagne.

Le principal risque aujourd'hui pour l'économie chinoise est celui de la surchauffe. Si l'on en juge par les derniers chiffres de la croissance pour le premier semestre 2007, rendus publics jeudi 19 juillet, Pékin va devoir appuyer vigoureusement sur la pédale de freins.

Le moteur continue de tourner à plein régime : le PIB a progressé de 11,5 % pour les six premiers mois de l'année et, rien que durant le deuxième trimestre, le taux de croissance s'est élevé à 11,9 %, le plus important depuis douze ans. Les investissements en capital fixe ont augmenté de 25,9 % durant la même période, alors que l'inflation est plus conséquente qu'on ne le craignait avec un taux de 3,2 % au premier semestre et même 4,4 % en juin.

A la fin de l'année dernière, en annonçant que le chiffre de la croissance du PIB n'avait été "que" de 10,4 % au troisième trimestre 2006, le porte-parole du bureau des statistiques, Li Xiaochao, se félicitait que "les mesures macro-économiques prises depuis le début de l'année connaissent un premier succès". Jeudi, lors de la conférence de presse rituelle, M.Li a répété la même antienne mais sur un ton dépourvu de triomphalisme : "Nous continuerons à renforcer et améliorer les mesures de contrôle macro-économiques." Le gouvernement chinois, partagé entre la nécessité sociale et politique de maintenir une croissance soutenue et d'éviter les risques de surchauffe, a pris cette année une série de mesures visant à calmer l'activité : deux hausses successives des taux d'intérêts, cinq augmentations des taux de réserve obligatoires des banques pour limiter le crédit, et des réformes fiscales pour freiner les exportations.

Le même porte-parole du bureau des statistiques a admis que la République populaire continuait à faire face à une série de problèmes susceptibles de contrecarrer les efforts déployés pour empêcher un emballement de la machine. Entre autres obstacles, il a cité "le déséquilibre dans le commerce international, la hausse des prix des aliments, la pression pour les économies d'énergie et la réduction de la pollution". Il a ensuite promis que le gouvernement "pour-suivra\[it\] dans la voie de l'ajustement de la structure industrielle pour changer la structure de la croissance et permettre à l'économie de croître de manière équilibrée".

ÉCHAPPER À TOUT CONTRÔLE

La veille, la presse officielle a fait état d'un rapport, concocté par le comité des affaires économiques et financières de l'Assemblée nationale populaire, dans lequel les députés s'inquiètent : "La tendance à la surchauffe est claire, préviennent-ils, l'inflation progresse, plus particulièrement pour les prix de l'alimentation et de l'immobilier." "Le comportement du gouvernement chinois ressemble à celui d'un surfeur qui négocie la crête d'une vague. Il veut éviter une chute trop importante de la croissance, mais craint d'être emporté par la surchauffe et l'inflation", observe un expert étranger de l'économie chinoise basé à Pékin.

Certes, le scénario catastrophe n'est sans doute pas près de se réaliser, les tendances inflationnistes étant pour le moment la résultante de phénomènes conjoncturels. Mais le même expert prévient que, si les mesures prises ou annoncées ne se traduisent pas concrètement dans un délai assez court, l'économie chinoise va échapper à tout contrôle. "Cela fait plusieurs années que le gouvernement dit qu'il faut rééquilibrer la croissance, mais cela fait des années que rien ne change vraiment… Ça ne peut pas durer indéfiniment. Je pense que la marge de manœuvre de Pékin n'excède pas les deuxans. Si d'ici là rien ne bouge, il y a risque de choc conjoncturel et la formation d'une dangereuse bulle spéculative."

Une entrée colossale et permanente de capitaux, des excédents commerciaux qui pourraient se chiffrer à 250milliards de dollars pour 2007, une économie tirée principalement par les investissements et les exportations, tous les indicateurs démontrent que l'on est encore loin de l'indispensable "rééquilibrage" annoncé par les autorités. Or les risques et les enjeux politiques sont considérables pour le gouvernement chinois. Pékin doit faire face à des tensions sociales grandissantes dans les campagnes et, dans le même temps, à l'explosion de mécontentement d'une population qui demande justice et compensation face à la corruption, la pollution et la dégradation de l'environnement.

Bruno Philip

2007年7月19日木曜日

Un Chinois impliqué dans le scandale des "ouvriers esclaves" est condamné à mort

Un Chinois impliqué dans le scandale des "ouvriers esclaves" est condamné à mort
LE MONDE | 18.07.07 | 14h45 • Mis à jour le 18.07.07 | 14h45
PÉKIN CORRESPONDANT

Le pouvoir a voulu faire un exemple : l'un des accusés dans le scandale des "ouvriers esclaves" chinois a été condamné à mort, mardi 17 juillet, pour avoir tué l'un de ses "employés", handicapé mental. Vingt-huit autres personnes, impliquées dans la même affaire, ont été condamnés à des peines allant de cinq années de prison à la réclusion à perpétuité.

Ce scandale ayant eu, comme l'a remarqué le juge de la Haute cour, Liu Jimin, "des répercussions très néfastes en Chine comme à l'étranger", il s'agissait d'imposer un verdict "des plus sévères". En juin, après que près de 400 parents eurent publié une lettre ouverte sur Internet s'inquiétant de la disparition d'un millier d'enfants et d'adolescents, selon leurs estimations, la police avait monté une opération dans la province du Shanxi, au sud-ouest de Pékin. Trente-et-un "ouvriers" avaient d'abord été libérés dans des briqueteries où ils travaillaient dans des conditions abominables, à peine nourris et gardés par des chiens.

Les images télévisées des visages hagards et des corps amaigris de ces personnes enlevées puis réduites en esclavage avaient provoqué un vif émoi parmi la population et dans les médias. En tout, 576 "travailleurs" avaient été secourus, dont 41 enfants, tous ayant été emprisonnés dans des briqueteries illégales gérées par les mafieux locaux.

Un contremaître de la briqueterie, Heng Tinghan, avait tranquillement déclaré après son arrestation : "Je pensais que (réduire des gens en esclavage) était assez anodin." Il a été condamné à la prison à vie. Wang Bingbing, patron de l'entreprise, et par ailleurs fils du secrétaire du Parti communiste local, a pour sa part été condamné à neuf ans d'emprisonnement. Le condamné à mort, Zhao Yanbing, avait fait preuve, lui aussi, d'une choquante insensibilité lorsqu'il avait expliqué devant les caméras comment il avait battu à mort, "parce qu'il ne travaillait pas assez dur" l'esclave handicapé mental, âgé d'une cinquantaine d'années.

Plus d'une centaine de personnes impliquées dans l'affaire ont été appréhendées ou interrogées depuis le mois de juin, dont 95 responsables du Parti dans la province du Shanxi. Mais la plupart ont seulement reçu un blâme, pour avoir laissé faire. Sur le portail Internet sohu. com, un internaute a ainsi réagi contre la légèreté des peines pour le propriétaire de la briqueterie : "Il aurait dû être condamné à mort lui aussi, ainsi que son père !"

Même le très officiel Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois, y est allé de sa critique en donnant la parole au président du comité pour la défense des droits de l'homme de l'Association des avocats chinois : "La Cour n'a pas assez puni tous les coupables." Dans un sondage publié sur Internet, 50 % des personnes interrogées estiment que ce sont les responsables locaux du Parti qui sont les vrais responsables.

Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 19.07.07.

2007年7月18日水曜日

Comme une vingtaine de pays, Hongkong adopte le billet en plastique

Comme une vingtaine de pays, Hongkong adopte le billet en plastique
LE MONDE | 17.07.07 | 15h21 • Mis à jour le 17.07.07 | 15h21


Comme une vingtaine de pays, Hongkong adopte le billet en plastique
LE MONDE | 17.07.07 | 15h21 • Mis à jour le 17.07.07 | 15h21

GAMMA/MARK GRAHAM
Hongkong a rejoint la vingtaine de pays à avoir introduit les billets en plastique.

Une semaine après sa première mise en circulation, le nouveau billet de Hongkong a déjà pris de la valeur sur le site de ventes aux enchères d'eBay, s'adjugeant, mardi 17 juillet, plus de 50 % de plus que sa valeur faciale. Sa particularité : être fabriqué en matière plastique.

Lundi 9 juillet, les autorités ont émis pour la première fois 50 millions de billets de 10 dollars de Hongkong en matière plastique. L'île a ainsi rejoint la vingtaine de pays à avoir introduit des coupures en polymère de plastique (dont le Sri Lanka, Taïwan, la Thaïlande, le Vietnam, la Papouasie-Nouvelle-Guinée...).

Le premier billet en plastique fut introduit en 1988 en Australie et, depuis, tous les vieux billets en papier ont été progressivement remplacés. Il existerait aujourd'hui dans le monde 3 milliards de billets en polymère de plastique. Singapour, qui a introduit les billets en matière plastique depuis 1990, a émis en mai une nouvelle coupure de 5 dollars de Singapour qui circulera aux côtés des anciennes.

D'un coût de fabrication plus élevé, le billet fabriqué en polymère de plastique est plus rentable pour les finances publiques. Il limite la contrefaçon, puisque les procédés classiques de photocopiage ne peuvent plus être utilisés, et il présente une plus longue durée de vie que les billets en papier.

Selon l'étude de la banque centrale australienne, ils durent en moyenne quatre fois plus longtemps que leurs cousins en papier. Plus résistants, difficilement déchirables, ils passent sans problème l'épreuve de la machine à laver. Ils sont aussi plus adaptés aux climats tropicaux que les coupures en papier.

L'Australie a constaté que son taux de contrefaçon avait considérablement diminué et que d'autres avantages étaient apparus. La population, par exemple, est plus satisfaite des billets en plastique car ils sont plus hygiéniques.

Cécile Prudhomme
Article paru dans l'édition du 18.07.07.

2007年7月14日土曜日

Pékin souhaite redorer l'image du "made in China"

Pékin souhaite redorer l'image du "made in China"
LE MONDE | 12.07.07 | 14h32 • Mis à jour le 12.07.07 | 14h33
SHANGHAÏ CORRESPONDANT



AFP/MYCHELE DANIAU
Photo d'étiquettes "made in china" cousues sur des vêtements d'enfants prise le 7 avril 2005 dans un magasin à Caen.

La Commission européenne a révélé, mardi 10 juillet, que l'Espagne avait décidé de retirer du marché deux marques de dentifrices produites en Chine, Spearmint et Trileaf Spearmint, des traces de diéthylène glycol (DEG), une substance habituellement utilisée comme antigel, ayant été décelée dans ces produits. Au début de l'année, les Américains découvraient que de la nourriture pour chat importée de Chine pouvait tuer prématurément les animaux domestiques. Un peu plus tard, les autorités panaméennes et celles de la République dominicaine signalaient la présence de DEG dans du sirop contre la toux chinois qui aurait provoqué la mort de 83 personnes.

En Chine, les failles en matière de sécurité alimentaire et sanitaire, les plus susceptibles d'affecter la vie des gens, ont atteint un seuil critique : l'exécution, mardi 10 juillet, de Zheng Xiaoyu, l'ex-chef de l'Agence pour la sécurité alimentaire et les médicaments, condamné à mort pour avoir reçu des pots-de-vin de laboratoires pharmaceutiques désireux de faire approuver des produits qui se sont avérés non conformes, est censée envoyer un message fort, en Chine comme à l'extérieur. "Nous devons tirer les leçons de ces cas de violation de la loi, et intensifier nos efforts pour nous assurer que la nourriture et les médicaments sont sûrs", a ainsi déclaré Yan Jiangying, la porte-parole de l'agence dont M. Zheng avait été le premier directeur.

Un autre officiel s'est, lui, épanché dans la presse sur les "risques d'instabilité sociale" provoqués par cette crise de confiance. Chaque jour, de nouvelles révélations défraient la chronique : le Jinghua Shibao, un quotidien pékinois connu pour ses scoops, racontait il y a quelques jours comment le contenu de la moitié des bonbonnes d'eau distillée vendues à Pékin par quatre marques, dont Nestlé, serait altéré à une étape ou une autre de leur commercialisation, certaines bombonnes contenant de l'eau du robinet ou diverses eaux de marques moins chères.

La télévision centrale, de son côté, vient de diffuser un reportage sur le démantèlement d'un trafic de faux flacons d'albumine vendus à des hôpitaux. Dans le Guangxi, une enquête révèle, elle, que 40 % des boissons et encas pour enfants vendus dans le commerce comportent des additifs et des agents conservateurs en quantité excessive. On y trouve de la teinture, de la paraffine, du formaldéhyde...

L'agence Chine nouvelle se félicitait récemment qu'une enquête de l'Administration pour l'inspection, la quarantaine et le contrôle de la qualité (Quality Supervision, Inspection and Quarantine) portant sur plus de 7 000 produits d'usage courant fabriqués en Chine et destinés à la consommation intérieure, concluait que plus de 80 % d'entre eux étaient aux normes. Lues à l'envers, les statistiques montrent qu'un cinquième de ces produits présentent éventuellement des risques. Pour les produits fabriqués par des PME, le taux est même de 27 %, soit plus du quart.

DU PLOMB DANS DES JOUETS

Or, 75 % du million de fabricants recensés dans l'industrie alimentaire sont de toutes petites entités. Quelque 23 000 cas de produits alimentaires non conformes ont été découverts lors des cinq premiers mois de l'année, et 180 ateliers, pour la plupart de moins de dix personnes, ont été fermés par les autorités. Un système de supervision éclaté - elles sont six agences à se partager le travail dans les domaines de la santé, de l'agriculture et du commerce -, le manque de personnel et des sanctions souvent inadaptées rendent très aléatoire le contrôle de cette industrie morcelée, qui opère souvent sur le court terme, avec une volonté d'enrichissement rapide.

"Le manque d'un partage clair des lignes de responsabilité conduit à une situation où aucune agence ni aucune autorité ne peut être tenue responsable de ses actions ou de son inaction", lit-on dans un récent rapport publié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avec l'Agence chinoise de sécurité alimentaire. Plus grave : jusqu'à présent limitée aux seules marques chinoises, la suspicion des Occidentaux commence à s'étendre aux produits fabriqués en Chine. A la mi-juin aux Etats-Unis, plus de 1 million de trains en bois Thomas & Friends, fabriqués en Chine, ont été rappelés par leur importateur américain car la peinture qui les recouvre contenait du plomb en dépit des spécifications qui avaient été imposées au fabricant. Un coup dur pour ces marchandises de marque occidentale "made in China" que l'on croyait pourtant immunes au mal chinois.

"C'est l'importateur qui est responsable de la qualité des produits et c'est lui, ou son représentant sur place, qui va effectuer en interne, ou à travers une agence de certification étrangère, les contrôles de qualité", explique, à Shanghaï, la responsable d'une centrale d'achats dans le prêt-à-porter.

Mais le système a d'autres failles : les coûts réduits et la production de masse favorisent le manque de contrôles, créent des sous-traitants en cascade, compriment les marges et poussent les usines à ne jamais dire non aux commandes des multinationales.

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 13.07.07.

La Chine suspend huit projets industriels pour "pollutions illégales"

La Chine suspend huit projets industriels pour "pollutions illégales"
LEMONDE.FR avec Reuters | 13.07.07 | 15h21 • Mis à jour le 13.07.07 | 15h35



AFP/LIU JIN
Fin mai, l'alimentation en eau potable de Wuxi, une ville industrielle de 2,3 millions d'habitants de la province du Jiangsu, a été interrompue en raison de la prolifération d'une algue dans les eaux polluées d'un lac voisin.

Les autorités chinoises ont suspendu, jeudi 12 juillet, plusieurs projets industriels dans huit provinces en réaction au non-respect des normes de protection environnementale. "Nous devons renforcer en particulier la rectification des pollutions illégales" dans la mesure où ces cas "ont de graves conséquences sur la vie de la population", a également prévenu le gouvernement, mercredi, à l'issue d'une réunion consacrée à la question de l'environnement.


L'Administration nationale de protection de l'environnement chinoise (SEPA) a démontré que quinze des vingt-deux entreprises inspectées à Baiyin, une ville de la province de Gansu, dans le nord-ouest de la Chine, rejetaient en toute illégalité des déchets dans les eaux du fleuve Jaune. D'autre part, à Wuhu, une ville de la province d'Anhui, soixante entreprises et ateliers sur les soixante-seize visités par les inspecteurs n'avaient pas mis en œuvre les procédures de lutte contre la pollution.

460 000 MORTS PAR AN

Parallèlement à ces suspensions, le directeur de la SEPA, Zhou Shengwian, a averti que" la qualité de l'eau potable est gravement menacée" et qu'"il faut accorder plus d'importance au nettoyage des lacs". En effet, fin mai, l'alimentation en eau potable de Wuxi, une ville industrielle de 2,3 millions d'habitants de la province centrale du Jiangsu, a ainsi été interrompue en raison de la prolifération d'une algue dans les eaux polluées d'un lac voisin.
Mercredi, le conseil des ministres spécialement consacré à l'environnement a également conclu que "la situation actuelle demeure tout à fait lugubre". En effet, les objectifs fixés par les autorités chinoises de réduire de 10 % les principales émissions industrielles de polluants entre 2006 et 2010 n'ont pas été atteints l'an dernier. Selon des estimations de la Banque mondiale, près de quatre cent soixante mille Chinois meurent chaque année des effets de la pollution atmosphérique ou de la mauvaise qualité de l'eau.

2007年7月11日水曜日

La Chine sur la voie d'un nouveau record commercial en 2007

La Chine sur la voie d'un nouveau record commercial en 2007
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 10.07.07 | 11h48 • Mis à jour le 10.07.07 | 11h48



AFP/TEH ENG KOON
Condoleezza Rice a accusé la Chine de "ne pas respecter les règles du commerce international". Selon certains économistes, le yuan serait sous-évalué de 40 % face au dollar.

Avec un excédent commercial record de 26,9 milliards de dollars en juin (contre 24 milliards de dollars attendus), la Chine se place sur la voie d'une nouvelle performance commerciale en 2007. En hausse de 85,5 % en glissement annuel, cet excédent bat le précédent record mensuel de 23,83 milliards de dollars établi en octobre 2006. Au mois de juin, les exportations se sont élevées à 103,27 milliards de dollars (+ 27,1 % sur un an), tandis que les importations ont progressé de 14,2 %, à 76,36 milliards de dollars.

Selon certains experts, de nombreuses entreprises chinoises ont fait le forcing pour exporter leurs produits avant la fin du rabais dont elles pouvaient jouir jusqu'au 1er juillet. En effet, une mesure visant à "limiter la vitesse d'accroissement des exportations et de soulager les problèmes importants apportés par l'excédent commercial" a été mise en place par le gouvernement chinois. Ainsi, les ristournes sur la TVA de plus de 2 000 produits ont été réduites ou supprimées. Le gouvernement affirme vouloir endiguer cette progression, inquiet de voir l'excédent alimenter les énormes réserves de change du pays, devenues les premières au monde et entraînant une liquidité excessive.

APAISER LES TENSIONS

Mais pour Robert Subbaraman, analyste chez Lehman Brothers à Hongkong, l'excédent du mois dernier n'est pas tant dû à la force des exportations qu'à la faiblesse des importations. "La croissance des importations a été plus faible que lors des mois précédents", a-t-il déclaré. Quelles qu'en soient les causes, le nouveau record permet à la Chine d'engranger un excédent de 112,53 milliards de dollars au premier semestre, laissant entrevoir un nouvelle performance exceptionnelle du commerce extérieur chinois pour l'ensemble de l'année 2007 (selon certaines études, il pourrait atteindre 250 voire 300 milliards de dollars).

Les mesures prises par Pékin visent également à apaiser les tensions existantes entre le pays et ses partenaires commerciaux. Dernièrement, de nouvelles critiques en provenance des Etats-Unis et d'Europe ont visé le gouvernement chinois. Vendredi 6 juillet, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a accusé la Chine de "ne pas respecter les règles du commerce international", évoquant notamment les questions de la contrefaçon et de la monnaie. Le yuan est le principal point de friction des relations économiques entre les deux pays. Des économistes estiment qu'il est sous-évalué de 40 % face au dollar, ce qui revient, selon eux, à subventionner illégalement les produits chinois à l'étranger. Quelques jours plus tôt, c'est le nouveau président français, Nicolas Sarkozy, qui demandait à la Chine la "réciprocité" d'accès au marché.

Le combat du Chinois Wu Lihong contre les pollueurs du lac Taihu

Le combat du Chinois Wu Lihong contre les pollueurs du lac Taihu
LE MONDE | 10.07.07 | 16h20 • Mis à jour le 10.07.07 | 16h20
YIXING (PROVINCE DU JIANGSU) ENVOYÉ SPÉCIAL




AFP/LIU JIN
Le lac Taihu dans la province chinoise du Jiangsu, envahi d'algues, le 22 juin 2007.

On parvient au village du militant écologique Wu Lihong par une étroite route en ciment qui traverse les rizières. Nous sommes à Zhoutie, province du Jiangsu, à quelques kilomètres du lac Taihu, déclaré zone sinistrée depuis que, fin mai, une mousse verte issue d'une réaction bactérienne à la pollution l'a littéralement asphyxié.

Il y a bientôt trois mois que Wu Lihong, 39 ans, est en prison à Yixing, l'agglomération voisine. Avec ses dizaines d'usines chimiques, ses mauvaises routes et ses camionnettes à trois roues surchargées de matériel, Yixing est l'arrière-cour de Wuxi, la métropole industrielle du Jiangsu, au coeur du delta du Yangze. Depuis dix ans, Wu Lihong se bat contre les pollueurs d'Yixing, pour beaucoup d'anciennes sociétés municipales aujourd'hui privatisées et protégées par de puissants groupes d'intérêts locaux. Leurs rejets sauvages sont en grande partie responsables de la pollution du troisième plus grand lac chinois.

Xu Jiehua, la femme de Wu Lihong, est elle-même surveillée par quatre hommes en civil qui la suivent dans tous ses déplacements. Elle n'a pas pu voir son mari, ni lui parler depuis son arrestation, le 13 avril : "Ils étaient cinquante, en civil, et sont arrivés à 21 h 30. Ils n'ont pas osé venir en plein jour de peur que les gens protestent." Fin mai, quand l'écosystème du lac Taihu a rendu l'âme et que les algues malodorantes ont fini d'envahir les robinets des habitations, privant d'eau quelque 2 millions de personnes à Wuxi, les paysans de Zhoutie lui ont dit : "Voilà ce qui arrive quand Wu Lihong n'est plus là pour surveiller la pollution."

Comble des paradoxes, le militant est accusé, d'après la presse officielle, d'avoir rançonné des entreprises qu'il menaçait de dénoncer aux autorités de régulation de la pollution. En réalité, selon Xu Jiehua, le juge s'intéresse à une commission que Wu Lihong a reçue en 2003 comme agent d'une société vendant du matériel de mesure de la pollution, non pour remettre en cause cette commission, mais pour arguer qu'elle ne correspond pas aux termes du contrat. Surtout, le militant est l'objet depuis des années d'un harcèlement policier continu, à l'instigation des potentats locaux. Né à Zhoutie, dans la maison où il vit avec sa femme et sa fille, Wu Lihong s'est vite mobilisé pour la défense de l'environnement. "A force de voir les cours d'eau pollués, on s'est demandé quel recours on pouvait avoir. Ça a commencé comme ça", dit Xu Jiehua.

En 1998, les autorités annoncent une campagne "zéro pollution" au lac Taihu et les médias vont sur place. Wu Lihong les aide. Son action mène à la fermeture d'une usine chimique, celle où travaille sa femme, qui l'informe de l'intérieur. Il abandonne son métier de VRP en matériel d'isolation sonore pour se consacrer à plein temps à la cause environnementale. Lui qui n'a pas fait d'études dévore les dossiers et les livres dont son bureau est encore jonché. Il parcourt les routes pour recueillir des échantillons et interroger les habitants. Xu Jiehua montre les photos des rizières empoisonnées, et, derrière, les empreintes des paysans qui ont trempé leur doigt dans l'encre rouge pour signer.

En 2002, les paysans, exaspérés de n'être pas entendus, se révoltent. Wu Lihong est placé 15 jours en garde à vue. Dès lors, il fera des séjours réguliers au commissariat. Il sera aussi battu par des ouvriers. La population, elle, le soutient. Il écrit des articles et participe à des séminaires. Il est récompensé par la fondation Ford et, en 2005, est désigné par le gouvernement, à Pékin, comme l'un des dix militants écologistes de l'année. "Il n'a jamais eu la permission de créer une organisation non gouvernementale. Il dit qu'il préférait à la comédie des ONG de Pékin être un soldat sur le front", dit sa femme.

En 2006, Wu Lihong est outragé lorsque Yixing est désignée "ville modèle" pour la protection de l'environnement par l'Agence nationale chinoise de protection de l'environnement (SEPA). Il entreprend de poursuivre celle-ci en justice mais il est débouté : "Avec un autre activiste, Wu Lihong avait créé un site dans le but de prévenir la SEPA des cas de pollution qu'il constatait. Et voilà quelle réponse on avait !" Au printemps, quand 80 000 habitants de la région sont privés d'eau pendant un mois, il dénonce le désastre qui s'approche. On parle peu de l'affaire, qui ne touche pas de centre urbain d'importance, mais le zèle de l'écologiste dérange. Il est arrêté.

Depuis que la pollution du lac Taihu lui a donné raison, plusieurs journaux chinois, des ONG et même des hauts responsables de la SEPA lui ont plus ou moins ouvertement déclaré leur soutien. Des responsables de Zhoutie, ainsi que le directeur adjoint de la SEPA de Yixing, ont été sanctionnés - de manière symbolique - pour avoir failli à leurs devoirs dans le contrôle de la pollution.

Si Wu Lihong est toujours en prison, son cas illustre les contradictions qui agitent un système mis à l'épreuve par l'implication active des citoyens dans les affaires qui les concernent. "Nous espérons que l'incident de Wu Lihong servira d'exemple et que la lutte de la société civique continuera au lac Taihu... Personne ne peut plus se permettre aujourd'hui de négliger l'opinion publique issue de ces actions", lit-on dans un essai publié par le journal progressiste Nanfang Dushi Bao sur l'urgence de prendre en compte les combats de terrain, comme ceux de Wu Lihong, pour mieux venir à bout des groupes d'intérêts.

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 11.07.07.