La France est fragilisée par ses atermoiements sur le Tibet
PÉKIN CORRESPONDANT
Le ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, a convoqué, mercredi 9 juillet au Quai d'Orsay, l'ambassadeur de Chine en France, Kong Quan, après que celui-ci eut évoqué, la veille, "de conséquences graves" pour les relations franco-chinoises si Nicolas Sarkozy rencontrait le dalaï-lama, qui doit effectuer une visite en France au mois d'août. "Je lui ai demandé d'expliquer sa position qui, pour la France, apparaît difficile à accepter", a expliqué M. Kouchner. Des sources diplomatiques et élyséennes avaient laissé entendre la semaine précédente que M. Sarkozy pourrait s'entretenir avec le dalaï-lama à l'occasion de sa venue.
Après l'entrevue, le ministère français des affaires étrangères a publié un communiqué dans lequel la France soutient qu'elle "prendra ses décisions dans l'indépendance la plus complète et rejette toute pression, d'où qu'elle vienne". Au terme de son entretien, l'ambassadeur chinois s'est redit "fortement opposé" à toute rencontre entre le chef de l'Etat et le dalaï-lama considérant que "le Tibet est une question purement chinoise".
Ce nouvel épisode de la saga tendue des relations franco-chinoises depuis le passage de la flamme olympique à Paris et les menaces de boycottage de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Pékin par M. Sarkozy a eu lieu le jour où ce dernier rencontrait son homologue chinois, Hu Jintao, en marge du sommet du G8 au Japon.
Le président français, qui avait prévenu au printemps que sa décision de participer à cette cérémonie était liée à la reprise du dialogue entre le dalaï-lama et la Chine, a finalement baissé la garde et assuré à M. Hu qu'il serait présent à Pékin le 8 août.
Le quotidien chinois Global Times s'est félicité, jeudi 10 juillet, que la promesse de M. Sarkozy allait permettre de "remettre la France et la Chine sur la voie de (leur) partenariat stratégique". Dans un tel contexte, la "sortie" de l'ambassadeur de Chine a été perçue comme déplacée, le communiqué du Quai d'Orsay soulignant que les "déclarations (de l'ambassadeur) ne correspondent pas à l'esprit de la rencontre entre les deux présidents au Japon".
"COUPS MÉDIATIQUES"
Nicolas Sarkozy a donc agité dans un premier temps une menace, puis il a renoncé à la mettre à exécution sous prétexte de la reprise du dialogue entre des émissaires du dalaï-lama et des responsables chinois, Mais l'on sait aujourd'hui, comme l'a dit la semaine dernière le négociateur tibétain, que ces discussions n'ont abouti à rien de concret et que le dialogue est dans l'impasse. Ce faisant, le président français semble avoir perdu sur tous les tableaux, aussi bien vis-à-vis de l'opinion publique française que de celle du régime chinois, remarquent des observateurs à Pékin. Le président de la République française, qui donne l'impression de poursuivre une "politique de coups médiatiques", paie aujourd'hui "le prix de son incohérence", remarque l'un d'eux.
Les volte-face françaises ont été en effet interprétées par la diplomatie chinoise comme autant d'actes de soumission. Après le passage de la torche à Paris, au cours duquel une jeune handicapée chinoise avait dû résister à un manifestant tibétain qui essayait de lui arracher la flamme, le président du Sénat, Christian Poncelet, avait remis à cette dernière, à Shanghaï, une lettre de Nicolas Sarkozy exprimant ses "regrets" pour cet incident qui avait déclenché la fureur de nombreux Chinois. Même si la visite de M. Poncelet était prévue de longue date, la presse chinoise avait mis en exergue cette rencontre au point de donner le sentiment que Paris envoyait un émissaire présenter ses excuses.
La diplomatie chinoise fonctionnant sur le mode des rapports de force, il n'est pas surprenant que l'ambassadeur de Chine en France choisisse de hausser le niveau des exigences de Pékin au moment où la présidence française évoque une rencontre avec le dalaï-lama. La France donnant l'impression d'agiter de vaines menaces, la Chine estime qu'elle peut continuer de s'efforcer de la faire plier. Comme le disaient récemment des officiels chinois à un intellectuel taïwanais francophone de passage à Pékin : "La France finit toujours par céder devant nos exigences."
De bout en bout, dans cette affaire tibétaine, M. Sarkozy aura ainsi donné le sentiment aux Chinois que sa politique est minée par les contradictions et des réactions impulsives. Si l'on en juge par certains articles de la presse officielle, l'attitude du président français ne semble d'ailleurs pas forcer actuellement le respect des dirigeants chinois.
La communauté tibétaine de France a demandé à Nicolas Sarkozy de recevoir le dalaï-lama lors de sa visite, dans une lettre ouverte au chef de l'Etat français communiquée jeudi 10 juillet. Le chef spirituel des Tibétains doit effectuer un séjour en France du 12 au 23 août.
L'ambassadeur de la Chine à Paris, Kong Quan, a menacé, mardi, la France de "graves conséquences" pour les relations franco-chinoises dans le cas d'une rencontre entre les deux hommes.
Intervenant à la veille de la rencontre entre le président français et son homologue chinois, en marge du G8 au Japon, les propos de M. Kong avait suscité l'ire de l'Elysée. Mercredi, M. Kouchner a demandé des précisions à M. Kong, convoqué à son ministère, sur l'existence de "conditions" chinoises à la visite de M. Sarkozy à Pékin pour la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques. "L'ambassadeur nous a répondu que le président était le bienvenu sans formuler de condition et il n'a pas réitéré de menaces", précise le Quai d'Orsay.
26 mars 2008 : Nicolas Sarkozy, en visite à Londres, laisse planer le doute sur sa participation aux Jeux olympiques après la répression des émeutes de Lhassa du 16 mars.
24 avril : M. Sarkozy, lors d'un entretien télévisé, lie sa venue à Pékin à "la reprise du dialogue entre les représentants du dalaï-lama et les autorités chinoises".
8 juillet : M. Sarkozy confirme, au terme du sommet du G8, sa participation à son homologue chinois, Hu Jintao.
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