LE MONDE | 12.07.07 | 14h32 • Mis à jour le 12.07.07 | 14h33
SHANGHAÏ CORRESPONDANT

AFP/MYCHELE DANIAU
Photo d'étiquettes "made in china" cousues sur des vêtements d'enfants prise le 7 avril 2005 dans un magasin à Caen.
La Commission européenne a révélé, mardi 10 juillet, que l'Espagne avait décidé de retirer du marché deux marques de dentifrices produites en Chine, Spearmint et Trileaf Spearmint, des traces de diéthylène glycol (DEG), une substance habituellement utilisée comme antigel, ayant été décelée dans ces produits. Au début de l'année, les Américains découvraient que de la nourriture pour chat importée de Chine pouvait tuer prématurément les animaux domestiques. Un peu plus tard, les autorités panaméennes et celles de la République dominicaine signalaient la présence de DEG dans du sirop contre la toux chinois qui aurait provoqué la mort de 83 personnes.
En Chine, les failles en matière de sécurité alimentaire et sanitaire, les plus susceptibles d'affecter la vie des gens, ont atteint un seuil critique : l'exécution, mardi 10 juillet, de Zheng Xiaoyu, l'ex-chef de l'Agence pour la sécurité alimentaire et les médicaments, condamné à mort pour avoir reçu des pots-de-vin de laboratoires pharmaceutiques désireux de faire approuver des produits qui se sont avérés non conformes, est censée envoyer un message fort, en Chine comme à l'extérieur. "Nous devons tirer les leçons de ces cas de violation de la loi, et intensifier nos efforts pour nous assurer que la nourriture et les médicaments sont sûrs", a ainsi déclaré Yan Jiangying, la porte-parole de l'agence dont M. Zheng avait été le premier directeur.
Un autre officiel s'est, lui, épanché dans la presse sur les "risques d'instabilité sociale" provoqués par cette crise de confiance. Chaque jour, de nouvelles révélations défraient la chronique : le Jinghua Shibao, un quotidien pékinois connu pour ses scoops, racontait il y a quelques jours comment le contenu de la moitié des bonbonnes d'eau distillée vendues à Pékin par quatre marques, dont Nestlé, serait altéré à une étape ou une autre de leur commercialisation, certaines bombonnes contenant de l'eau du robinet ou diverses eaux de marques moins chères.
La télévision centrale, de son côté, vient de diffuser un reportage sur le démantèlement d'un trafic de faux flacons d'albumine vendus à des hôpitaux. Dans le Guangxi, une enquête révèle, elle, que 40 % des boissons et encas pour enfants vendus dans le commerce comportent des additifs et des agents conservateurs en quantité excessive. On y trouve de la teinture, de la paraffine, du formaldéhyde...
L'agence Chine nouvelle se félicitait récemment qu'une enquête de l'Administration pour l'inspection, la quarantaine et le contrôle de la qualité (Quality Supervision, Inspection and Quarantine) portant sur plus de 7 000 produits d'usage courant fabriqués en Chine et destinés à la consommation intérieure, concluait que plus de 80 % d'entre eux étaient aux normes. Lues à l'envers, les statistiques montrent qu'un cinquième de ces produits présentent éventuellement des risques. Pour les produits fabriqués par des PME, le taux est même de 27 %, soit plus du quart.
DU PLOMB DANS DES JOUETS
Or, 75 % du million de fabricants recensés dans l'industrie alimentaire sont de toutes petites entités. Quelque 23 000 cas de produits alimentaires non conformes ont été découverts lors des cinq premiers mois de l'année, et 180 ateliers, pour la plupart de moins de dix personnes, ont été fermés par les autorités. Un système de supervision éclaté - elles sont six agences à se partager le travail dans les domaines de la santé, de l'agriculture et du commerce -, le manque de personnel et des sanctions souvent inadaptées rendent très aléatoire le contrôle de cette industrie morcelée, qui opère souvent sur le court terme, avec une volonté d'enrichissement rapide.
"Le manque d'un partage clair des lignes de responsabilité conduit à une situation où aucune agence ni aucune autorité ne peut être tenue responsable de ses actions ou de son inaction", lit-on dans un récent rapport publié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avec l'Agence chinoise de sécurité alimentaire. Plus grave : jusqu'à présent limitée aux seules marques chinoises, la suspicion des Occidentaux commence à s'étendre aux produits fabriqués en Chine. A la mi-juin aux Etats-Unis, plus de 1 million de trains en bois Thomas & Friends, fabriqués en Chine, ont été rappelés par leur importateur américain car la peinture qui les recouvre contenait du plomb en dépit des spécifications qui avaient été imposées au fabricant. Un coup dur pour ces marchandises de marque occidentale "made in China" que l'on croyait pourtant immunes au mal chinois.
"C'est l'importateur qui est responsable de la qualité des produits et c'est lui, ou son représentant sur place, qui va effectuer en interne, ou à travers une agence de certification étrangère, les contrôles de qualité", explique, à Shanghaï, la responsable d'une centrale d'achats dans le prêt-à-porter.
Mais le système a d'autres failles : les coûts réduits et la production de masse favorisent le manque de contrôles, créent des sous-traitants en cascade, compriment les marges et poussent les usines à ne jamais dire non aux commandes des multinationales.
Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 13.07.07.
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