LE MONDE | 17.10.07 | 14h56 • Mis à jour le 17.10.07 | 20h03
WASHINGTON, PÉKIN CORRESPONDANTS

George Bush et le dalaï-lama lors de la remise de la médaille d'or du Congrès à ce dernier, le 17 octobre à Washington.
Les précautions américaines ont été vaines : la Chine a très vivement réagi à la visite à Washington du dalaï-lama. "Le fait que le président américain (le) rencontre représente une sévère violation des normes de relations internationales", a déclaré, mardi 16 octobre, le ministre des affaires étrangères chinois, Yang Jiechi, avant même la rencontre entre George Bush et le chef de l'Eglise tibétaine. "Nous exprimons notre extrême insatisfaction et notre ferme opposition. Nous pressons les Etats-Unis d'annuler cette visite", a-t-il ajouté en remarquant que la Chine se sentait "blessée" de cette "interférence dans ses affaires intérieures". "Cette rencontre va sérieusement ébranler les relations sino-américaines", a averti de son côté le porte-parole chinois des affaires étrangères, Liu Jianchao.
Pourquoi avoir décidé de dérouler le tapis rouge pour le dalaï-lama au risque de froisser la Chine alors que Pékin a eu une attitude jugée constructive sur le dossier du nucléaire nord-coréen et le Darfour ? Après ces réactions courroucées, l'administration Bush a tenté de relativiser le caractère historique de la visite de cinq jours qu'effectue actuellement le dignitaire tibétain à Washington.
Les détails de cette visite ont été soigneusement étudiés. Le dalaï-lama a été reçu mardi pendant trente minutes par M. Bush, non pas dans le Bureau ovale, comme l'escomptaient ses fidèles, mais dans les appartements du couple présidentiel. Aucune photo n'a été publiée. La porte-parole de la Maison Blanche Dana Perino a minimisé l'événement en indiquant que c'était la quatrième rencontre entre les deux responsables.
REMISE DE MÉDAILLE
Le geste le plus significatif est intervenu mercredi au Capitole. M. Bush a remis la médaille d'or du Congrès, la récompense civile la plus prestigieuse, au chef de l'Eglise tibétaine, lors d'une cérémonie solennelle. Selon sa porte-parole, M. Bush, qui assiste traditionnellement à cette cérémonie, a pris soin d'avertir son homologue chinois, Hu Jintao, lors d'une rencontre début septembre.
Pour les partisans du dalaï-lama, c'est une importante victoire, après des années de lobbying au Congrès. Il a fallu le changement de majorité, et l'insistance de la présidente démocrate Nancy Pelosi, élue de Californie, pour que la cérémonie soit organisée. Selon les analystes, Washington entend faire comprendre à Pékin que "jouer la montre" en faisant semblant de dialoguer à propos du Tibet ne constitue pas une politique.
La coïncidence qui fait que cette rencontre intervient alors que vient de s'ouvrir le 17e congrès du Parti communiste chinois est présentée comme fortuite. L'administration américaine n'a pas en ce moment de motif particulier de mécontentement envers Pékin : la diplomatie chinoise a fini par accepter le principe d'une déclaration présidentielle à l'ONU condamnant la junte de Birmanie pour la répression contre les moines bouddhistes. Le discours de Hu Jintao sur Taïwan, lundi à Pékin, a été jugé modéré.
Pour les experts, l'administration Bush fait le calcul que les Chinois, à moins d'un an des Jeux olympiques de Pékin, n'ont pas de véritables moyens de rétorsion, d'autant que les projets de loi s'accumulent au Congrès pour condamner leurs pratiques commerciales. Le différend sur le Tibet est par ailleurs assumé : il est moins délicat à gérer que celui qui existe sur Taïwan, dans la mesure où les Etats-Unis, comme l'a rappelé Mme Perino, ne sont pas favorables, eux non plus, à l'indépendance du Tibet.
Bruno Philip et Corine Lesnes
Article paru dans l'édition du 18.10.07.
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