La question tibétaine gèle une coopération scientifique franco-chinoise en Antarctique
A plus de 4 000 mètres d'altitude, Dôme A est le point culminant de la calotte glaciaire antarctique. C'est aussi l'endroit le plus froid du monde : la température moyenne n'y excède guère les - 59 0C. Situé dans une zone centrale du continent blanc où les précipitations sont les plus rares et dont le glacier recèle peut-être les plus anciennes archives climatiques, il a été atteint pour la première fois en janvier 2005.
Il l'a été par une expédition chinoise. Mais les événements survenus à l'approche des Jeux olympiques sur la question tibétaine pourraient inciter les autorités chinoises à ne pas partager la conquête de ce site jusqu'ici inexploré, Graal des glaciologues.
Le Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l'environnement (LGGE) de Grenoble, qui coopère depuis une vingtaine d'années avec l'université de Lanzhou, où travaillent la plupart des glaciologues chinois, pourrait faire les frais de ce coup de froid diplomatique. Trois Français devaient accompagner la troisième expédition chinoise pour Dôme A, à l'hiver 2008-2009. Leur participation a été in extremis reportée d'un an. Elle se trouve fragilisée par les positions prises en France sur le Tibet.
"J'étais il y a deux semaines à Shanghaï et il y a un ressentiment croissant à l'égard de la France contre ce qui y apparaît comme une ingérence dans les affaires intérieures, raconte Jérôme Chappellaz, directeur adjoint du LGGE. La situation est d'autant plus compliquée qu'il n'y a pas en Chine de réelle dissociation entre les affaires politiques et scientifiques."
LES CLIMATS DU PASSÉ
Le report de la participation française se justifiait par le fait que des étrangers ne pouvaient accompagner une expédition chinoise "avant que le drapeau chinois ne flotte sur des bâtiments chinois", résume Jérôme Chappellaz. La construction d'une base d'été à Dôme A devrait être bien avancée en janvier 2009. "Aujourd'hui, je compte sur un calendrier qui nous fait arriver à l'hiver 2009-2010", dit M. Chappellaz, responsable de ce projet financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR). Mais le chercheur ne cache pas son inquiétude de voir les tensions franco-chinoises remettre en cause la coopération prévue.
L'analyse des carottes de glace permet de reconstruire les climats du passé. A Dôme A, les scientifiques espèrent à terme pouvoir creuser suffisamment profond pour révéler l'influence des gaz à effet de serre sur les transitions entre périodes glaciaires et interglaciaires, il y a plus d'un million d'années. De telles archives s'arrêtent aujourd'hui à 800 000 ans.
L'expertise française dans les techniques de carottage et de prélèvements de l'air emprisonné à grande profondeur dans la glace demeure un atout. Mais les investissements consentis par Pékin dans le domaine des sciences polaires - glaciologie, mais aussi astronomie - pourraient vite rendre superflue, pour les chercheurs chinois, toute coopération étrangère. D'autant que si la Chine veut accentuer son implantation dans les régions polaires, relève Jérôme Chappellaz, "c'est, comme tous les pays, autant pour des raisons scientifiques que géopolitiques et stratégiques".
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