De rares voix s'élèvent en Chine contre la gestion des intempéries
LE MONDE | 05.02.08 | 14h41 • Mis à jour le 05.02.08 | 14h42
SHANGHAÏ CORRESPONDANT
REUTERS/STRINGER/CHINA
Un camion circule sur une route verglacée près de Chenzhou, le 3 février 2008.
A vingt-quatre heures du Nouvel An chinois, le 6 février, ils sont nombreux en Chine à avoir fait le choix de rester dans les provinces où ils travaillent plutôt que de risquer de passer les festivités bloqués dans un train en surcharge, ou dans un bus mal équipé sur des routes verglacées.
Quelque 12,5 millions de travailleurs migrants auraient ainsi privilégié la région de Canton, où les autorités de la ville, aidées par celles des provinces d'origine, tentent d'organiser des réjouissances. Elles offrent des séances de cinéma gratuites et ont ouvert l'accès aux parcs de la ville.
Alors que le radoucissement est annoncé, après une semaine de paralysie du sud du pays par une intense vague de froid, aéroports et gares ont fonctionné à plein, dimanche 3 et lundi 4 février, malgré le brouillard. Le froid pourrait néanmoins revenir dans le sud après le 10 février.
Les tronçons impraticables de l'autoroute qui traverse le pays du sud au nord, entre Zhuhai (Macao) et Pékin, ont en partie rouvert, même si des milliers de voitures seraient encore bloquées.
Dans un éditorial du 5 février, le China Daily se félicite : "Notre locomotive économique bouillonnante est simplement trop puissante pour être freinée par un tel épisode". Pourtant, les tempêtes de neige ont aussi révélé la vulnérabilité d'une économie survoltée, où les approvisionnements énergétiques sont en flux tendu. Certaines régions touchées, comme le Guangdong, connaissent des pénuries depuis décembre 2007. Dans plusieurs provinces, la fourniture en charbon des centrales électriques est à ce jour encore aléatoire, et les stocks limités.
Comme souvent en Chine, la gestion d'une catastrophe naturelle doit avant tout mettre en valeur les efforts du parti. A la veille d'une période de fête où le consensus est de rigueur, l'agence de presse Chine nouvelle rend compte sans relâche de la "confiance" des dirigeants "dans la victoire sur la crise météorologique", et leur conviction que "la Chine va gagner la bataille" contre la vague de froid.
Le premier ministre Wen Jiabao a été montré à maintes reprises sur le front, prononçant même des mots d'excuse auprès des passagers pris au piège lors de sa visite de la gare de Canton. La mise en scène d'une armée à pied d'oeuvre pour aider le peuple éclipse les blocages d'un système d'intervention centralisé et bureaucratique, blocages qui, ailleurs, auraient retenu l'attention des médias.
Dans l'une des rares critiques ayant émergé dans la presse chinoise à l'égard de la gestion de la crise, l'éditorialiste du Yanzhao Dushi Bao, un quotidien du Hebei, déplorait que "notre méthode traditionnelle de gérer les catastrophes reste prisonnière du mode (de fonctionnement) d'un gouvernement fort".
Ce commentateur en appelle à un rôle plus étendu des organisations non gouvernementales là où le bât blesse, c'est-à-dire au niveau local : "Nombre d'initiatives, prises au niveau local et régional, écrit-il, sont arrivées trop tard, sont trop faibles ou trop simplistes, ou ne se sont même pas traduites par des actions concrètes."
Ainsi, une grande part des dévastations provoquées par la vague de froid n'a toujours pas été évaluée. Deux régions sont particulièrement sinistrées : à Chenzhou, dans le Hunan, nombre des 4 millions d'habitants de la ville et ses environs ont passé, lundi, un onzième jour sans eau et électricité - malgré des reprises partielles et temporaires du service et la proclamation, par les autorités locales, d'une "victoire décisive" contre les éléments.
Des témoignages recueillis au téléphone auprès de parents restés dans d'autres régions, puis échangés sur Internet, montrent une colère grandissante contre l'incapacité des autorités locales à gérer des situations d'urgence.
Dans le Guizhou, province pauvre voisine de Hunan, une grande partie des 4 millions d'habitants sont toujours privés d'eau dans les endroits isolés.
Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 06.02.08.
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