2008年2月19日火曜日

La liberté d'expression des athlètes sera encadrée pendant les Jeux olympiques de Pékin

La liberté d'expression des athlètes sera encadrée pendant les Jeux olympiques de Pékin
LE MONDE | 15.02.08 | 12h48 • Mis à jour le 15.02.08 | 14h37


AFP/STR
Selon Amnesty, l'approche des Jeux de Pékin servirait de "catalyseur" à une répression accrue contre les dissidents.



Un peu moins de six mois avant le début des Jeux olympiques, qui se dérouleront à Pékin du 8 au 24 août, la question de la liberté d'expression des athlètes pendant la compétition vient en troubler les préparatifs. En quelques jours, plusieurs prises de position sont venues rappeler que, malgré le souci des autorités chinoises de ne donner à l'événement qu'un visage sportif et festif, la situation des droits de l'homme dans le pays, les relations avec Taïwan et l'implication de la Chine auprès du Soudan en pleine guerre civile au Darfour seront difficilement absentes du feuilleton olympique d'ici le début du mois d'août.

Ces derniers jours, le débat a été ravivé par une initiative de la British Olympic Association (BOA), le comité olympique britannique, révélée par l'hebdomadaire dominical Mail on Sunday. La BOA a concocté dans le plus grand secret un contrat dont une clause interdit à ses athlètes de s'exprimer sur des sujets "sensibles" lors des JO, sous peine d'exclusion. Le comité olympique britannique s'appuie notamment sur la règle 51 de la Charte olympique, qui interdit toute forme de "démonstration ou propagande politique, religieuse ou raciale".

Par ailleurs, la BOA a prévu d'organiser des stages de formation aux médias pour les athlètes afin de cadrer leur réponse à des questions éventuelles sur les droits de l'homme, le Darfour, le Tibet ou Taïwan. L'argument invoqué est simple : la nécessaire neutralité des sportifs. Selon un porte-parole de la BOA, il s'agit d'éviter "des prises de position publiques fortes telles que le port d'un tee-shirt marqué "Libérez le Tibet"". Un point de vue qui n'est pas étranger au sport britannique puisque, lors des matches de football du championnat anglais, il est interdit aux joueurs d'arborer un maillot frappé d'un slogan politique sous peine de lourdes pénalités.

Cette initiative de la BOA a provoqué de nombreuses réactions. En apprenant la tentative du comité olympique de museler les athlètes à Pékin, Richard Vaughan, champion britannique de badminton, s'est fâché, le 12 février, à propos du conflit du Darfour : "Alors que beaucoup de pays ont essayé d'isoler le Soudan en rompant les relations économiques, la Chine a largement soutenu le gouvernement de Khartoum, particulièrement dans le domaine pétrolier."

Outre la question des relations politiques entre les deux pays, les arrière-pensées économiques ne seraient pas non plus absentes de l'initiative de la BOA. Beaucoup y ont vu l'influence du 10 Downing Street, soucieux de développer les liens avec la Chine après la visite en janvier du premier ministre, Gordon Brown.

Les ONG Reporters sans frontières et Article 19 ont, de leur côté, dénoncé le "manque de courage qui caractérise certains responsables du mouvement olympique aujourd'hui". Selon ces deux organisations, les comités olympiques du Canada, des Etats-Unis, des Pays-Bas et de la Belgique se sont publiquement engagés à respecter la liberté d'expression de leurs athlètes. De son côté, le gouvernement chinois n'est pas demandeur d'une telle clause mais exige des participants le respect de la Charte olympique qui interdit la propagande dans les enceintes olympiques. Face à la tempête, le comité olympique britannique a fait marche arrière en précisant que son projet allait être amendé, car son intention n'était pas "de limiter la liberté de parole des athlètes".

La polémique lancée en Angleterre a suscité des réactions dans d'autres pays. En France, Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, a expliqué, mardi 12 février, que les athlètes français ne seraient soumis à aucune consigne du gouvernement en matière de liberté de parole. "Celui qui a envie de s'exprimer a le droit de s'exprimer, chacun fait ce qu'il veut, on est en démocratie", a lancé Bernard Laporte, qui a ajouté : "Ce que l'on souhaite, c'est qu'ils courent vite et qu'ils sautent haut, c'est ça les Jeux olympiques, ramener des médailles."

De son côté, Henri Sérandour, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), a précisé jeudi 14 février dans un communiqué, que le CNOSF "respecte la liberté individuelle d'expression des athlètes", en accord avec le principe fondamental no 5 de la Charte olympique qui rejette "toute forme de discrimination à l'égard d'un pays ou d'une personne fondée sur des considérations de race, de religion, de politique, de sexe ou autres". Mais, dans le même temps, le président du CNOSF note que les athlètes ont pour "obligation de respecter les obligations de la Charte olympique", et notamment sa règle 51.

Par ailleurs, au milieu de cette série de communiqués et de prises de position, le Comité international olympique (CIO) a démenti, jeudi 14 février, que son président, Jacques Rogge, avait signé un appel demandant à la Chine d'user de son influence auprès du Soudan afin que soit mis un terme au conflit actuel au Darfour, contrairement à ce qu'avait affirmé, le même jour, le quotidien britannique The Independent. Le débat sur les prises de position politiques lors des Jeux n'est pas nouveau. Outre la confiscation des Jeux de Munich en 1936 par Hitler, et le boycott des Jeux de Moscou par une cinquantaine de nations dont les Etats-Unis, ils avaient pris un tour particulier en 1968, lors de ceux de Mexico, lorsqu'au terme de la finale du 200 mètres, les coureurs américains Tommie Smith et John Carlos, arrivés premier et troisième, avaient protesté contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis lors de la cérémonie de remise des médailles, en baissant la tête et en pointant, lors de l'hymne américain, leur poing ganté de noir vers le ciel. Un type de manifestation que veulent à tout prix éviter les organisateurs des Jeux de Pékin, cet été.

Bertrand d'Armagnac et Marc Roche (à Londres)
Article paru dans l'édition du 16.02.08.





Références

La règle 51 de la Charte olympique stipule, dans son alinéa 3, qu'"aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique".

Intitulée "Publicité, démonstrations, propagande", cette règle s'attache avant tout à encadrer les possibilités d'afficher des marques commerciales sur les tenues et équipements des participants aux Jeux selon les principes édictés par le Comité international olympique (CIO), que développe le texte d'application de cette règle, joint dans la Charte. Les termes relativement vagues de la règle et de son texte d'application permettent aux instances olympiques, lorsqu'elles le souhaitent, d'inclure sous leur contrôle toute expression politique par les athlètes dans les enceintes où se déroulent les Jeux.

Le texte d'application de la règle 51 prévoit, par ailleurs, que "toute violation (...) peut entraîner la disqualification ou le retrait de l'accréditation de la personne concernée. Les décisions de la commission exécutive du CIO à ce sujet seront sans appel". Une épée de Damoclès au-dessus de la tête des athlètes.
 

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