2007年6月17日日曜日

Pékin apprend les bonnes manières


Pékin apprend les bonnes manières
LE MONDE | 16.06.07 | 13h18 • Mis à jour le 16.06.07 | 13h18
PÉKIN CORRESPONDANT

Photo:
REUTERS/JASON LEE
Un homme se repose sur un banc dans la ville de Pékin.

Les Jeux olympiques (JO) de 2008 représentent pour la Chine un considérable motif de fierté nationale, le signe de l'importance accordée par le reste du monde à cet empire dont le nom chinois - le pays du Milieu - indique plus que jamais à quel point il est devenu un objet central des préoccupations de la planète.

"Sauver la face" est crucial en Asie, où chacun passe, dit-on, son temps à essayer de ne pas la perdre. Les autorités de Pékin s'attachent donc à soigner leur réputation. Il s'agit d'être digne devant les foules d'étrangers qui débarqueront, en août 2008, dans la capitale pour les XXIXes Olympiades.

Les mesures prises sont diverses, toujours dans le souci de rehausser la réputation de Pékin, à moins de cinq cents jours du début des festivités. "On va profiter des JO pour appeler la population à faire des efforts de civisme, ce qui nous permettra à l'avenir de continuer dans la bonne voie", explique Shao Ziqiang, responsable adjoint de la communication du Bureau du comité d'organisation des Jeux olympiques de Pékin (Bocog).

La priorité est de convaincre les Pékinois de bien se conduire, sous-entendu de se comporter de manière plus disciplinée. Les Beijinren (Pékinois) ont en effet une propension marquée à se bousculer sans vergogne pour grimper dans les bus bondés, à injurier l'adversaire durant les compétitions sportives et à cracher à tout bout de champ sur les trottoirs. Des campagnes ont été lancées dans l'espoir d'en terminer avec de telles pratiques susceptibles de choquer les cohortes de "long nez" et autres diables étrangers qui déferleront sur Pékin à l'été 2008.

"VEUILLEZ NE PAS CRACHER"

Même si M. Shao estime que les Pékinois ne sont pas forcément les seuls à blâmer : "A Pékin, il y a en permanence une forte population de touristes qui ne sont pas conscients de la nécessité de bien se conduire." Il ajoute, définitif, s'appuyant sur un sondage aussi mystérieux qu'improbable : "70 % des crachats sont émis par des provinciaux !"

Quelles que soient leurs origines, les cracheurs feraient mieux de déglutir s'ils veulent éviter d'être pointés du doigt par de dévoués bénévoles que l'on a vu tancer dans la rue les contrevenants le jour d'une campagne anticrachat. Dans l'arrondissement de Xicheng, un ensemble historique de rues étroites et d'anciens palais situé le long des beaux lacs de Houhai, au nord de la Cité interdite, l'une des responsables du comité de quartier nous a remis un exemplaire d'un petit sac de plastique destiné à recevoir des "crachats civilisés" : "La civilisation commence par des détails, peut-on lire sur la pochette de plastique, veuillez ne pas cracher !"

Une autre bataille s'est parallèlement déclenchée dans les bus et aux arrêts : les 11 de chaque mois ont été décrétés "jours de la file d'attente". Ces jours-là - la date a été choisie parce que le chiffre 11 peut faire penser à deux personnes faisant la queue... -, des sortes de "policiers de la politesse" veillent dans les bus à ce que les passagers embarquent en bon ordre. Selon les chiffres officiels, il y aura bientôt 4 000 fonctionnaires, contrôleurs et surveillants, chargés d'imposer la politesse aux Pékinois dans les transports en commun.

GUERRE AUX "VENTRES NUS"

Dernière et ultime bataille, qui ne semble pas avoir été couronnée de succès, la guerre aux "ventres nus" des hommes se poursuit. Les messieurs ont en effet l'habitude à Pékin de dévoiler leur estomac en remontant leurs tricots de corps sur la poitrine quand la chaleur de l'été se fait par trop insupportable. Il y a cinq ans, le Quotidien de la jeunesse de Pékin avait même lancé un concours, exhortant les passants à repérer ceux qui avaient enlevé le haut dans les hutong, les ruelles du Vieux Pékin. Interrogés sur leurs habitudes par un reporter étranger, les vieux avaient balayé ces objections, estimant qu'"être assis devant chez soi torse nu fait partie de la culture chinoise !" Aujourd'hui, on se promène encore le ventre nu le soir venu.

Parce que personne ou presque ne parle les langues étrangères dans la capitale chinoise, les policiers sont en train de recevoir, depuis sept ans, des cours de formation accélérée d'anglais. Dans l'immense centre d'entraînement national des officiers de police, situé au pied de la Grande Muraille, le commissaire Zhao Yuan, une dame d'une quarantaine d'années sanglée dans un uniforme immaculé, admet que, "pour les 46 000 policiers de Pékin, cela représente un défi, car l'environnement n'est pas propice à l'apprentissage des langues". L'objectif est pourtant que 60 % des effectifs parviennent à passer un examen d'anglais de premier niveau.

Certains officiers supérieurs ont même été envoyés à l'étranger, notamment en Grande-Bretagne et en Australie, pour perfectionner leurs connaissances. Mme Zhao précise qu'"un manuel rédigé en sept langues, dont le russe, le coréen et l'arabe, va être remis aux agents de la force publique pour leur permettre de savoir utiliser des formules de politesse minimales quand ils devront communiquer avec des étrangers".

Une visite dans les salles de classe du centre d'entraînement permet de voir de jeunes recrues s'adresser entre elles en anglais dans le cadre de jeux de rôles distribués par leurs professeurs en uniforme. Encore quatorze mois pour être à la hauteur.

"DÉSODORISER" LES TAXIS

Les taxis le seront-ils ? On peut en douter alors qu'ils sont notoirement réputés pour ne pas savoir un mot d'anglais et ignorer jusqu'au nom des hôtels cinq étoiles des grandes chaînes internationales, dont l'appellation a été sinisée ? Au siège d'une des plus importantes compagnies d'Etat de taxis de la capitale, on a pris les choses au sérieux. Wang Dongfeng, responsable du Parti communiste chinois (PCC) pour l'entreprise, estime que les chauffeurs doivent se comporter comme des ambassadeurs de la ville. "Nous leur demandons de s'adresser poliment aux clients, de leur souhaiter la bienvenue, de veiller à la propreté des sièges et de désodoriser leurs véhicules", explique-t-il.

Et d'apprendre des rudiments d'anglais : en cet après-midi surchauffé, une cinquantaine de chauffeurs en uniforme bleu sont réunis dans une salle où officie l'un des leurs, improvisé professeur d'anglais. Tout le monde répète en choeur dans une ambiance plutôt dissipée : "Airport ! Madam ! Sir ! How are you ? Good Morning ! Thank you !"

Le "maître", qui nous a accueillis en affirmant qu'il était "very happy to meet you", s'esclaffe en s'efforçant de prononcer les mots. Là non plus, la bataille n'est pas près d'être gagnée.

Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 17.06.07.

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