2007年6月21日木曜日

Pékin exploite l'affaire des "ouvriers esclaves" libérés pour démontrer sa volonté de lutter contre la corruption

Pékin exploite l'affaire des "ouvriers esclaves" libérés pour démontrer sa volonté de lutter contre la corruption
LE MONDE | 20.06.07 | 15h14 • Mis à jour le 20.06.07 | 15h14
PÉKIN CORRESPONDANT

AP
Un groupe d'"ouvriers esclaves" libérés d'une briqueterie dans la province du Shanxi (Chine), le 27 mai 2007.

L'appareil de propagande du régime pékinois et les médias officiels se sont emparés avec vigueur, ces derniers jours, de l'affaire des "ouvriers esclaves" libérés, dont la télévision officielle a montré les visages émaciés, les cicatrices des mauvais traitements et les regards perdus de ces victimes de la "mafia des briqueteries".

La semaine dernière, le président Hu Jintao et son premier ministre, Wen Jiabao, sont personnellement intervenus pour que toute la lumière soit faite sur ce scandale, après qu'une opération policière de grande envergure a permis de libérer 450 "ouvriers esclaves", dont 51 enfants , certains âgés de 8 ans, dans les provinces du Shanxi (sud-ouest de Pékin) et du Henan (centre).

La collusion entre membres du Parti, autorités locales et policières, qui a permis une telle exploitation de jeunes Chinois, est dénoncée jusqu'au plus haut niveau. Le porte-parole du ministère de la sécurité publique, Wu Heping, s'est insurgé, lors d'une conférence de presse, du fait que la police locale ait, à plusieurs reprises, refusé de mener une enquête dans ces régions, alors que des parents d'adolescents disparus avaient porté plainte. "Nous allons mener des investigations, et nous sanctionnerons sévèrement ceux (parmi les policiers) qui se seraient rendus coupables de manquements à leurs devoirs", a-t-il menacé.

"HÉROS DU JOURNALISME"

L'exploitation de travailleurs dans les briqueteries, les mines privées, les petites entreprises situées dans les provinces de la Chine profonde ne date pourtant pas d'hier. Le fait que, depuis une quinzaine de jours, date de la première "libération" d'ouvriers vivant dans des conditions abominables, frappés par les sbires des mafieux, surveillés par des gardes-chiourmes avec chiens, la presse ne tarisse plus sur le sujet, en dit long sur l'embarras provoqué par l'affaire.

A l'heure des flux d'informations rapides sur Internet, le pouvoir ne peut plus totalement supprimer la publication de ce genre d'informations ; au contraire, il s'en sert dans le but de démontrer son souci de lutter contre la corruption. Et d'afficher sa volonté de promouvoir l'"harmonie sociale", mantra du régime destinée à contrer les injustices, à l'heure où la prospérité des uns tranche de plus en plus avec la pauvreté des autres.

En début de semaine, l'agence de presse Chine nouvelle a révélé que des adolescentes, âgées de 16 et de 17 ans, avaient été forcées à se prostituer, dans ces mêmes briqueteries où elles avaient également été réduites en esclavage...

Dans un commentaire publié dans la page "Débats" du quotidien anglophone China Daily, un éditorialiste loue le travail du "héros du journalisme" Fu Zhenzhong, reporter à la télévision locale du Henan, qui a été le premier à lever un coin de voile sur le scandale du travail forcé. "Nous avons besoin de journalistes d'investigation !", clame You Nuo, l'éditorialiste, qui s'inquiète du nombre de scandales de ce type restant inconnus du public. Un appel empreint d'une ironie cachée, dans un pays où des journalistes continuent de croupir en prison pour avoir osé franchir, au mauvais moment, les "lignes rouges" dessinées par le pouvoir...

Bruno Philip
Article paru dans l'édition du 21.06.07.

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