2007年9月14日金曜日

Grattage, raclage, dépeçage : la torture des jouets contrôlés

Grattage, raclage, dépeçage : la torture des jouets contrôlés
LE MONDE | 13.09.07 | 14h51 • Mis à jour le 13.09.07 | 14h51
VILLENEUVE-D'ASCQ (Nord) ENVOYÉ SPÉCIAL


Ça gratte. Ça gratte dans la section jouet du laboratoire des douanes, situé en bordure de Lille, à Villeneuve-d'Ascq (Nord). A l'aide d'un scalpel, une technicienne en blouse blanche s'attelle minutieusement à racler et à dépecer un camion inspiré d'un célèbre dessin animé. Les résidus de chaque couleur, qu'un enfant de moins de 36 mois peut toucher et mettre dans la bouche, sont placés dans un récipient.

Cette étape-là, le "grattage", consiste à vérifier si le joujou n'est pas hautement porteur d'un des huit métaux lourds réglementés - arsenic, mercure, chrome... -, donc nocif pour la santé. C'est ce qui a poussé Mattel à retirer, en août, des millions de jouets ayant de la peinture au plomb.

Une fois pesés, les résidus sont mis dans une fiole contenant de l'acide chlorotique puis laissée au repos pendant deux heures à 37 °C. Une étape qui permet de simuler la salive d'un enfant.

Des échantillons sont ensuite introduits dans "la torche à plasma". Cette machine projette une flamme à 3 000 °C. "Les éléments brûlés émettent de la lumière, explique Mathieu Genoud, responsable du secteur jouet au laboratoire. Chaque lumière correspond à un métal. C'est de la physique classique." La machine calcule si les éléments ne dépassent pas le seuil critique. Si cela se produit, le jouet n'est pas conforme aux normes européennes.

Sur les onze laboratoires des douanes, qui viennent de fusionner avec ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ceux de Lille et de Marseille sont spécialisés dans les jouets. Leur mission est simple : affirmer si le produit amené par les agents des douanes et des inspecteurs des fraudes est conforme aux normes fixées par l'Union européenne (UE). Pour cela, le jouet subit toute une série de tests, du plus basique à la torture sévère. Il doit répondre à vingt et une exigences s'il est consacré aux enfants de plus de 36 mois. Dix de plus pour les moins de 36 mois.

Lorsque l'article arrive pour contrôle, le technicien examine l'emballage : le label "CE" en grosses lettres doit y figurer. Tout comme une adresse en Europe, qui peut permettre au consommateur de se plaindre. Le tout en français. C'est la phase "marquage", suivi du "grattage".

Puis, c'est l'étape de "l'inflammabilité". Elle soumet le produit à une flamme. La combustion ne doit pas progresser de plus de 3 centimètres par seconde. Le jouet a été préalablement conditionné sept heures durant dans une enceinte, ce qui va le mettre aux normes de température et d'humidité réclamées par l'UE à tous ses pays membres.

Enfin, la phase dite "mécanique" détermine la résistance de l'article. Une machine met à l'épreuve la couture. Si elle craque, les techniciens analysent les matériaux utilisés à l'intérieur. "Contrôler un jouet, c'est comme une poupée russe, souligne M. Genoud. Il y a toujours quelque chose de plus petit à analyser."

Cette phase-là s'accompagne d'une multitude de tests comme celui de la "chute". Sur un tapis en polyamide, le technicien jette un poids d'un kilo sur le jouet. Cinq fois de suite. Il ne doit pas casser, se fissurer ou avoir de bord coupant. Pour les pistolets, il existe une machine qui calcule la vitesse des projectiles...

En 2006, le laboratoire de Lille, qui compte 41 agents pour deux affectés aux jouets, en a analysé 115 - surtout des peluches - dont 57 % se sont révélés conformes. Sur les huit premiers mois de 2007, 47 % des 141 échantillons sont aux normes. Le directeur Jean-Pierre Yim reconnaît que peu de jouets sont analysés, mais "ils sont ciblés. Il ne faut pas oublier que les fabricants sont soumis à une obligation d'auto-contrôle (Le Monde du 7 septembre). Et nos agents sont vigilants".

Les douanes sont attentives à l'actualité. Des échantillons de nouveaux jouets issus de récents dessins animés à succès sont envoyés au laboratoire. Tout comme des articles interceptés dans des conteneurs sur les ports ou dans les aéroports. Ceux de la DGCCRF proviennent des boutiques.

Si un fabricant fait parler de lui dans un autre pays, les agents vont envoyer trois jouets d'un même modèle pour analyse. Le premier sera dévolu au laboratoire des douanes. Si le fabricant conteste les résultats, le deuxième est destiné à un laboratoire indépendant pour une contre-expertise. Le troisième est réservé au juge si l'affaire arrive devant le tribunal administratif.

Les douaniers et les fraudes s'appuient sur la conclusion de leur laboratoire. En cas de non-conformité d'un jouet déjà en vente, le fabriquant devra mettre aux normes toute la gamme. S'il s'avère trop dangereux, la série entière sera détruite. Si le jouet provient de l'import, à charge au fabricant de l'arranger. Il peut toujours décider d'aller le vendre ailleurs dans l'UE, dans un pays où les contrôles sont moins regardants.

Mustapha Kessous
Article paru dans l'édition du 14.09.07.

 

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