2007年8月3日金曜日

L'inflation des diplômes et la montée du chômage alimentent le malaise des étudiants chinois

L'inflation des diplômes et la montée du chômage alimentent le malaise des étudiants chinois
LE MONDE | 02.08.07 | 14h03 • Mis à jour le 02.08.07 | 14h03
ZHENGZHOU (Henan) ENVOYÉ SPÉCIAL



AFP/STR
De jeunes diplomées chinoises regardent les offres d'emploi.

Dans l'indolence des chaudes nuits d'été, les quartiers populaires de Zhengzhou, chef-lieu de la province du Henan (centre), sont encombrés de cantines en plein air où filles et garçons s'enivrent à la bière bon marché en engloutissant des poignées de cacahuètes aux épices. Les étudiants fêtent la fin de l'année scolaire, l'obtention de leurs diplômes, ou le début d'un premier emploi. "On est un peu inquiet, dit un étudiant en informatique, ce n'est vraiment pas facile de trouver un bon travail."


Mi-juin, la grande avenue qui traverse le quartier était le siège d'une violente émeute. Une jeune étudiante qui vendait sur le trottoir des accessoires de mode pour arrondir ses fins de mois est rossée par des gardes municipaux. Un étudiant s'interpose et sera neutralisé par la police arrivée aussitôt sur place. Des centaines d'étudiants accourent, prévenus par SMS, et finiront par incendier la voiture des gardes municipaux.

Signe que l'incident fut pris au sérieux en plus haut lieu, le gouvernement dépêcha Li Changchun, le chef de la propagande centrale, à Zhengzhou : il visita les universités et leur ordonna de mieux traiter les étudiants des milieux défavorisés. Car pour la nouvelle génération d'étudiants, largement apolitique et amnésique (beaucoup ne savent rien des événements de Tiananmen), l'étincelle qui pourra mettre le feu aux poudres de la contestation est avant tout économique : l'expansion tous azimuts des inscriptions dans l'enseignement supérieur, le renchérissement des études, combinés à la baisse des salaires d'embauche et la hausse du chômage, créent un cocktail explosif, alors même qu'une partie des diplômés du supérieur sont issus de familles accédant pour la première fois à ce niveau d'éducation.

A Zhengzhou, nombre d'étudiants viennent de l'intérieur de la province, et le diplôme est vu comme un passeport pour les villes côtières, plus riches. "Il y a trop de diplômés dans le Henan, et pas assez de travail", dit Zhang Ke, 23 ans. Diplômée en 2006 de l'école normale de Zhoukou, une ville au sud de la province, la jeune fille, dont les parents sont paysans, a passé plusieurs mois à Shanghaï de petit boulot en petit boulot. "Il faut deux ans d'expérience, sinon on ne gagne pas plus de 150 euros par mois", dit-elle. Elle s'est donc inscrite à la rentrée à l'université des langues étrangères de Xi'an, chef-lieu de la province du Saanxi (nord-ouest), pour acquérir un diplôme plus coté.

En Chine, ils sont ainsi près de 5 millions à être diplômés cet été, soit 20 % de plus que l'an dernier et cinq fois plus qu'en 1998. Malgré la forte croissance économique, plus du tiers risquent de ne pas trouver d'emploi. Quasiment gratuites il y a dix ans, les universités coûtent rarement moins de 400 euros par an pour les seuls frais d'inscription, et du double au quintuple pour les nouveaux instituts quasi privés aux pratiques commerciales peu scrupuleuses dont les familles font les frais.

"Il y a quatre ou cinq ans, les diplômés pouvaient vite gagner de 300 à 500 euros par mois dans les grandes villes. Aujourd'hui, les jeunes ont plus d'attentes et veulent tous aller dans les métropoles. La compétition fait baisser les salaires de départ", explique Liu Xiaowen, de l'Académie des sciences sociales de Shanghaï. Les mésaventures de diplômés devenus caissiers d'autoroute ou employés des pompes funèbres ont défrayé la chronique à Shanghaï.

Le Henan est la province la plus peuplée de Chine (100 millions d'habitants), et à Zhengzhou ces lignes de tension sont particulièrement visibles. Dans cette Chine de l'intérieur, traditionnel réservoir de main-d'oeuvre migrante, pays des briqueteries aux travailleurs esclaves, on sait ce que l'éducation peut changer. Les établissements d'enseignement supérieur y sont en pleine expansion. L'université d'Etat de Zhengzhou, avec son campus ultramoderne, la plus cotée de la province, reçoit la plupart des subventions du gouvernement.

A l'est de la ville, une demi-douzaine d'instituts professionnels, qui ont triplé ou quadruplé leurs effectifs ces cinq dernières années, ont déménagé vers le campus de Longzihu University Town. A 40 km au sud de Zhengzhou, une autre localité, Xinzheng, accueille des écoles de gestion, comme Sias International, créée par un Sino-Américain et dessinée sur le modèle du Capitole, ou encore Shengda, au campus plutôt bon marché.

Or, jusqu'à l'an dernier l'université de Zhengzhou délivrait aux étudiants de Shengda le même diplôme que ceux attribués à ses propres étudiants, mais pour 1 100 euros par an contre 400 pour le cursus régulier. Shengda fonctionnait donc comme une extension quasi privée de l'université - aux critères d'admission moins exigeants. Il y a près de 250 établissements "privés" de ce type en Chine.

Le gouvernement chinois fait, mollement, la chasse à ces dérives depuis 2003 mais l'affaire est sensible. En juin 2006, les étudiants de Shengda mirent à sac leur campus lorsqu'ils apprirent que leur diplôme mentionnerait, en plus de l'université de Zhengzhou, le nom de Shengda, ce qui le dévalorisait. "Ça ne nous a rien apporté de manifester, c'est nous qui avons le plus pâti des conséquences. L'important est d'avoir le diplôme, car on le doit à nos parents", dit, amer, un étudiant nommé Liu, joint par Internet.

D'autres protestations eurent lieu en 2007 à Wuxi, et en 2006, à Nanchang, Hangzhou et Wuhan. La volatilité sur les campus entraîne souvent un chantage au diplôme, et une rapide reprise en main par les autorités, surtout quand elles sont dans le collimateur du gouvernement central, comme à Zhengzhou (outre les deux émeutes de 2006 et 2007, la construction du campus de Longzihu a fait scandale car elle n'avait pas été autorisée). Tout, désormais, est suspect : un étudiant se plaint que le forum de discussions Internet de l'université de Zhengzhou n'ait jamais été rouvert. Sur son blog, un commentaire qu'il avait écrit sur... le prix excessif des billets des nouveaux trains rapides a même été effacé. "Si on veut être diplômé, il faut se taire et éviter d'avoir le moindre problème avec l'administration", dit-il.

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 03.08.07.

 

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