2008年3月10日月曜日

Dans le Xinjiang musulman, la police chinoise renforce le contrôle autour des mosquées

Dans le Xinjiang musulman, la police chinoise renforce le contrôle autour des mosquées
LE MONDE | 28.08.07 | 14h44 • Mis à jour le 09.03.08 | 12h42
KACHGAR (XINJIANG) ENVOYÉ SPÉCIAL

AFP/FREDERIC J. BROWN
Des fidèles prient dans une mosquée de Kachgar dans la province chinoise du Xinjiang, le 15 octobre 2006.


Avec son labyrinthe de ruelles aux parois de pisé et ses minarets de brique, le vieux Kachgar n'a, en apparence, rien à envier aux plus beaux sites d'Asie centrale. Nombre de femmes portent le foulard et certaines le châle marron traditionnel qui, posé sur la tête, recouvre l'intégralité du visage. On ne sert pas d'alcool dans les restaurants musulmans et, si l'on n'entend nulle part le muezzin, les mosquées sont nombreuses. On est ici à l'extrémité occidentale de la région autonome ouïgoure du Xinjiang, à quelques heures des frontières pakistanaise et kirghize. La population est ouïgoure (autochtone musulmane et turcophone) à près de 90 % autour de Kachgar, bien plus que dans le reste du Xinjiang, où les 9 millions de Hans (Chinois) constituent près de 45 % de la population, à la faveur de vagues d'immigration récentes.

En apparence, donc, tout va pour le mieux à "Kachi" (Kachgar, en chinois), où des banderoles célèbrent "l'union des peuples de Chine" et "la grande famille de la patrie". En y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'il n'en est rien. La ville chinoise, avec ses hôtels, ses supermarchés et ses barres d'immeubles, gagne chaque jour du terrain sur l'habitat traditionnel. Les aménagements, faits à la hussarde, font grincer des dents. Devant la grande mosquée Id Kah, on a fait table rase, supprimant toutes les vieilles échoppes pour construire des magasins dans un simili style oriental. "Restez quelques heures devant l'écran vidéo géant planté sur la place et vous comprendrez tout. Il fait tellement de bruit que ça gêne la prière. Bientôt, il y en aura un autre juste devant la mosquée, puis dedans, et ensuite ? On la fermera !", s'emporte un homme d'une quarantaine d'années.

PASSEPORTS CONFISQUÉS

On ne parle à un étranger que dans un endroit sûr, après avoir été mis en confiance : toute critique de la domination chinoise est ici taboue en public. Les méthodes de la sécurité d'Etat, obsédée par un péril "séparatiste" qu'alimenterait le particularisme religieux, instillent une véritable paranoïa. "Avant, ils arrêtaient les gens de l'âge de mon père. Cette année, ce sont les jeunes, ceux qui parlent anglais. C'est à cause des Jeux olympiques (à Pékin, en 2008). Tout est contrôlé", estime un jeune Ouïgour qui a subi son premier interrogatoire après avoir été engagé dans un café tenu par des étrangers... vite fermé. Les interrogatoires ont parfois lieu dans une arrière-salle d'un des deux principaux hôtels pour touristes étrangers de Kachgar, le Chini Bagh et le Seman, construits sur les sites des anciens consulats britannique et russe, réminiscence du "grand jeu" qui, au début du XXe siècle, avait fait de Kachgar un nid d'espions.

Nombre de jeunes Ouïgours qui travaillent dans le tourisme ou dans des petits commerces ont fait des études ou appris l'anglais en cours du soir. Ils ont parfois la possibilité d'être professeur ou instituteur, mais choisissent le privé. "Je suis musulman, je veux pouvoir prier et, pour cela, il faut être dans le privé, sinon c'est interdit", dit un jeune. "C'est naturel, les gens sont de plus en plus religieux", explique un autre interlocuteur. A Yarkand, le vendredi, des milliers d'hommes se tiennent droit, silencieux, sur la place en pleins travaux de la mosquée, jusqu'à ce qu'une camionnette passe avec un haut-parleur et leur ordonne de se disperser.

La pratique de l'islam est ici sous haute surveillance. En plein été, les enfants doivent tous venir à l'école le vendredi de 11 heures à 13 heures, au moment de la grande prière, nous confirme le directeur d'une des écoles de Yarkand, pour ne pas être "influencés". Les mosquées sont d'ailleurs interdites aux moins de 18 ans et, en dehors des plus grandes, ne sont ouvertes qu'à l'heure de la prière. "L'imam, c'est la personne la plus contrôlée au Xinjiang, dit un Ouïgour. Il est nommé par le gouvernement et doit suivre des cours d'éducation politique."

Alors que, dans le reste de la Chine, la pratique clandestine du catholicisme et du protestantisme est, malgré une répression réelle, largement tolérée, toute réunion religieuse, toute tentative d'enseigner le Coran à des jeunes conduit ici à des arrestations immédiates. Par an, seules quelques centaines de personnes âgées de 50 à 70 ans peuvent se rendre à La Mecque, dans le cadre de voyages organisés. Mais, depuis quelques mois, tous les passeports seraient confisqués.

"Je veux aller à La Mecque. J'ai l'argent, mais c'est interdit. Croyez-vous que je puisse vivre dans ce pays ?", s'indigne l'un de nos jeunes interlocuteurs. "Kachgar devient comme Lhassa (Tibet), souligne un chercheur occidental. On y pratique une politique de contrôle absolu, sans discernement, dont on a l'impression qu'elle ne peut conduire qu'au ressentiment de la population locale."

Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 29.08.07.
 
 

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