Critiquée pour son soutien à Khartoum, la Chine met en avant son "rôle positif" au Darfour
LE MONDE | 07.03.08 | 14h09 • Mis à jour le 07.03.08 | 14h09
C'est l'"effet Spielberg" : le régime chinois est en train d'engager une contre-offensive diplomatique et médiatique afin de redorer son blason après les dégâts infligés à son image par la décision de Steven Spielberg de renoncer à sa participation aux Jeux olympiques de Pékin (8-24 août). Le cinéaste américain, qui devait y officier comme consultant artistique pour les cérémonies d'ouverture et de clôture, avait justifié, à la mi-février, son geste par l'inaction pékinoise dans les tentatives de règlement de la crise du Darfour, la région occidentale du Soudan théâtre d'une sanglante répression menée par l'armée de Khartoum et ses supplétifs janjawids (cavaliers arabes).
Fidèle soutien du régime soudanais, avec lequel elle a scellé une fructueuse coopération énergétique et militaire, la Chine est de longue date critiquée par des organisations des droits de l'homme pour la responsabilité indirecte qu'elle porte dans les exactions que subissent les populations du Darfour. A l'approche des JO, la pression est montée d'un cran.
Depuis le coup d'éclat de l'icône d'Hollywood, qui a assombri le climat pré-olympique, la diplomatie pékinoise orchestre la riposte. De retour d'une mission au Soudan et au Tchad, l'envoyé spécial chinois pour le Darfour, Liu Guijin, un diplomate de haut rang familier du terrain africain, s'est ainsi efforcé de dissiper, mercredi 5 mars, lors d'une conférence de presse à Paris, les "malentendus" autour de l'attitude de Pékin dans cette crise. Il a longuement insisté sur les efforts déployés par la Chine pour faire avaliser par Khartoum la mise sur pied d'une force hybride de maintien de la paix (Minuad) associant l'Union africaine et les Nations unies. "La Chine a joué un rôle positif pour convaincre le Soudan d'accepter la force hybride", a rappelé Liu Guijin.
Evoquant les difficultés ayant récemment surgi dans la composition de la Minuad, Liu Guijin a précisé avoir "utilisé un langage clair pour convaincre le gouvernement soudanais de faire des concessions" afin d'accélérer le déploiement de cette force de 26 000 hommes dans un contexte de reprise des combats et de nouveaux déplacements de populations.
"CHANGEMENT SIGNIFICATIF"
"La Chine est prête, a-t-il précisé, à une coopération sincère avec les pays occidentaux" pour trouver une "solution pacifique" au Darfour. "Nous ne voulons pas de confrontation avec l'Occident" sur cette question, a-t-il insisté, même s'il a appelé les capitales occidentales à faire davantage pour convaincre les mouvements rebelles de "retourner à la table des négociations".
L'approche plus constructive de la Chine est de plus en plus reconnue. "Nous avons constaté un changement significatif au cours des douze derniers mois", estime Colin Keating, directeur executif de Security Council Report, une ONG qui suit les travaux du Conseil de sécurité. Mais cette évolution a ses limites. "En dépit de quelques "coups de pouce"", tempère un diplomate du Conseil de sécurité, la Chine "a toujours prôné le dialogue avec Khartoum". Une résolution du Conseil de sécurité menaçant le Soudan de frapper son secteur pétrolier serait par exemple exclue. "Le veto chinois est dans tous les esprits", explique le diplomate.
Les intérêts pétroliers de la Chine au Soudan - les actifs de la China National Petroleum Corporation (CNPC) s'y chiffreraient à 7 milliards de dollars - sont en effet trop précieux pour que Pékin s'offre le luxe d'une crise grave avec Khartoum. Illustration des limites des pressions de Pékin : la Chine a bloqué, le 7 décembre 2007, un projet de déclaration du Conseil de sécurité qui aurait exhorté le gouvernement soudanais à coopérer avec la Cour pénale internationale (CPI).
Frédéric Bobin (avec Philippe Bolopion à New York)
Article paru dans l'édition du 08.03.08.
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